L'attente au niveau de certaines agences peut durer parfois trois ans. Dans certains cas, des assurés comparent les assurances aux impôts. Pourtant, une convention “IDA”, permettant une indemnisation rapide, a été signée par la majorité des compagnies. Mais elle n'est pas appliquée. Tous les automobilistes vous le diront : il faut “ramer” pour se faire rembourser par son assureur. L'argument est presque toujours le même. “On attend la réponse de l'agence où est assurée ma partie adverse.” Cette réponse peut prendre des mois et, parfois, des années. Tous les spécialistes s'accordent à dire que, du point de vue des prestations de services, les assurances souffrent encore des faiblesses dans la gestion de l'indemnisation automobile, la branche phare du secteur. C'est le constat même du Conseil national des assurances, organe consultatif du secteur des assurances. Le rapport sur la situation générale du secteur, en 2003, confirme ce constat. “La cadence de règlement des sinistres, mesurée par le rapport des sinistres réglé sur le total des indemnisations dues, est révélatrice de la qualité de service des compagnies d'assurances et de l'image du secteur auprès des assurés. Malgré l'entrée en vigueur de la convention d'indemnisation automatique des dommages automobiles (IDA), une détérioration a été constatée dans le pourcentage de règlement des sinistres, moins de 31% seulement des sinistres réglés dans l'année”, lit-on dans le document. Cette convention, logiquement signée par la majorité des sociétés d'assurances en 2001, n'est à ce jour pas appliquée. C'est que ces retards font qu'aujourd'hui les compagnies d'assurances sont vues par les assurés comme des “collecteurs d'impôts”. Certains assurés parlent d'un délai d'indemnisation de trois années. Ce qui est “lourd”, de l'avis même du secrétaire permanent du Conseil national des assurances. Le problème, souligne M. A. Benlaribi, chef de division marketing à la SAA, se pose en termes de gestion des sinistres. En d'autres termes, les sociétés d'assurances disent qu'elles rencontrent des difficultés dans la détermination des responsabilités entre les deux protagonistes. D'où l'exigence d'une déclaration contradictoire. “Une compagnie d'assurances ne peut pas, a priori, indemniser son assuré, avant de connaître l'avis de la compagnie tierce. Ce qui explique la lenteur dans le traitement des dossiers”, affirme M. A Benlaribi. Un cadre du Conseil national des assurances abonde dans le même sens : “Le constat contradictoire, qui devrait être signé par les deux parties, ne parvient pas généralement aux sociétés d'assurances”, souligne-t-il. “Nous avions pensé, au CNA, il y a trois ans, qu'un système d'indemnisation automatique (IDA et IDAC) aurait pu, s'il avait été mis en œuvre par les compagnies d'assurances, faire progresser le rythme d'indemnisation. Malheureusement, le dispositif reste encore en voie d'application. Les compagnies d'assurances, pourtant, avaient accueilli, favorablement, les deux dispositifs. Je ne pense pas qu'il y ait une volonté de ne pas appliquer, du moins, le premier dispositif, l'IDA. Moi, je crois plutôt à l'existence de lourdeurs au sein des compagnies pour la mise en œuvre de ces deux dispositifs, qui peuvent améliorer l'image des compagnies d'assurances et développer la culture d'assurance”, estime Abdelmadjid Messaoudi, secrétaire permanent du CNA. Cet état de fait est confirmé par M. A. Benlaribi de la SAA, qui explique que les compagnies ont des difficultés à appliquer la convention IDA, parce qu'elles “ne sont pas prêtes sur les plans technique et matériel”. C'est aussi le constat de l'UGP-Meda, appui au secteur financier. Après un diagnostic du marché, des grandes lenteurs dans les règlements des sinistres ont été relevées. Du coup, l'assuré ne comprend pas à quoi sert l'assurance. Un consensus s'est établi au sein des compagnies publiques, approuvé par la direction des assurances, pour travailler au rééquilibrage du marché de l'assurance auto. Des groupes de travail intercompagnies ont été constitués, assistés par des experts Meda, qui doivent mettre en place les infrastructures nécessaires à ce rééquilibrage (fichier des conducteurs, convention IDA, statut des experts, bonus malus…). Pour les indemnisations, M. A. Benlaribi, estime que les compagnies d'assurances pratiquent les prix du marché, c'est-à-dire celui affiché par les concessionnaires. Les assurés pourtant estiment que les indemnisations qu'ils reçoivent ne couvrent pas les coûts de réparations. Sur ce point, les sociétés d'assurances renvoient les assurés à l'expert désigné pour évaluer le sinistre. Pis, il y a une année, des responsables des compagnies, face à la recrudescence des sinistres, ont demandé le réajustement des primes d'assurance, notamment la responsabilité civile. Selon une étude effectuée par le secteur, le déséquilibre entre les coûts de la branche assurance auto et le tarif pratiqué serait de l'ordre de 40%. Ce qui rend déficitaire la branche. Le secrétaire permanent du CNA soutient que “ce n'est pas le tarif qui est mis en cause”. Les surcoûts de la branche, selon lui, proviennent de la mauvaise gestion des sinistres. En tout état de cause, tous nous interlocuteur s'accordent à dire que “les assureurs sont mis à l'épreuve sur un vaste programme de redressement qualitatif de la branche automobile, branche déterminante de la réputation de la profession”. L'ampleur du retard dans la gestion des indemnisations est telle que des résultats positifs ne manqueront pas de se manifester, dès les premiers progrès organisationnels. Cependant, pour réellement assumer sa raison sociale de protection de la population et de ses biens, la profession doit aussi convaincre dans son rôle de conseiller incitatif à la prévention et à la réduction des risques. En la matière, elle n'a malheureusement pas de quoi pavoiser : le nombre de sinistres de toute sorte augmente de façon inquiétante. Pour ce faire, il importe d'abord de tenir la promesse de réparation financière dans des délais raisonnables. Repères - L'escroquerie à l'assurance, directement liée aux accidents de circulation, semble prendre de plus en plus de l'ampleur. Le responsable de la SAA, en 2003, avait déjà évoqué la question, affirmant que sa compagnie avait rejeté plus de 250 millions de dinars de faux sinistres. La SAA a même créé une structure qui traque la fraude. - 12, 9 milliards de dinars ont été consacrés, en 2002, par les différentes compagnies d'assurances, à la réparation des dommages matériels et corporels. - La sinistralité, (le rapport des sinistres sur les primes) au niveau de la branche automobile, est estimée, en 2002, à 102, 9%, ce qui fait dire aux responsables des compagnies d'assurances que la branche est déficitaire. M. R.