La Commission nationale pour l'amnistie générale (Cnag), sans existence légale, conglomérat de gens rompus au flair de l'odeur de la “bonne soupe”, pour reprendre une expression sublime d'un éditorialiste, présidée à titre honorifique par l'ex-premier président de la République algérienne, Ahmed Ben Bella, n'est visiblement plus dans les grâces du pouvoir. Les journées d'étude qu'elle devait organiser, avant-hier, sur le thème de “La réconciliation nationale et l'élaboration du projet de loi sur l'amnistie générale” n'auront finalement pas lieu. Raisons : refus des autorités de délivrer l'autorisation pour la tenue d'une telle rencontre. “Les autorités ont refusé de nous donner l'autorisation”, explique Kacem Kebir, porte-parole de l'organisation, joint au téléphone. Pis, à se fier à certaines sources, des policiers ont même été dépêchés à l'hôtel Icosium-Calama, un établissement privé, sis à Bouzaréah sur la route menant à Baïnem pour empêcher le “conclave”. Et c'est, presque, la “queue entre les jambes” que les représentants de la Cnag — de 38 wilayas, selon le porte-parole de la Cnag —, ont quitté le lieu de la rencontre. Pourtant rien ne laissait présager jusque-là un traitement similaire à l'égard d'une organisation, de surcroît inféodée, du moins on le soupçonne, au président de la République, et dont la finalité est de vulgariser le concept de l'amnistie en vue d'une large adhésion de la population. Il est vrai que le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, avait brandi, il y a quelques semaines, devant les députés, la menace de poursuivre les animateurs de cette structure au motif, à ses yeux, qu' “ils faisaient de l'amnistie, un fonds de commerce” tandis que d'autres s'en servaient comme tremplin à des carrières politiques. Et vu sous cet angle, conjugué au devoir du respect de la loi, il était entendu que nul ne pouvait outrepasser le cadre juridique, fussent-ils des “amis du Président”, comme ils s'en revendiquaient publiquement. Mais peut-on se suffire de cette lecture au premier degré ? Il faudrait sans doute se garder de tirer des conclusions hâtives. Concept aux contours flous, l'amnistie générale, clé de voûte du programme du second mandat de Abdelaziz Bouteflika, ne semble pas faire l'unanimité. Autant dans son entourage que chez ses détracteurs. Lors de son discours fleuve devant les travailleurs à l'occasion de la Fête internationale du travail, Abdelaziz Bouteflika avait laissé entendre, en désignant du doigt une femme qui l'implorait, qu'il allait “se donner du temps pour aller au référendum”. Un aveu qui, s'il l'expliquait par le souci de “cicatriser les plaies”, n'en exprimait pas moins, aux yeux des observateurs, “quelques entraves”. Récemment encore, depuis le Portugal où il se trouvait en visite officielle, il fera part publiquement de “certains blocages”, mais sans pour autant en situer ni les éventuels auteurs, encore moins la nature. Des appréhensions sur fond de pressions étrangères que relaient certaines ONG qui n'ont pas manqué de stigmatiser la démarche de l'amnistie générale. Indice fort révélateur : l'absence de Nelson Mandela, figure emblématique de la lutte contre l'Apartheid, au jubilé de Ahmed Ben Bella. Ce qui peut être perçu comme un refus d'une caution. Dans ce contexte, il apparaît clairement que la “fin de mission”, par certains aspects, signifiée à la Cnag, si elle ne révèle pas une volonté de “grenouiller” la démarche, n'en exprime pas moins des “divergences” en haut lieu. D'ailleurs, hormis cette structure, la kyrielle d'associations qui gravitent autour du président de la République, même si elles n'ont pas d'agréments, ne semblent pas inquiéter, outre mesure. Karim KEBIR