“La ratification de l'accord d'association n'est pas une fin en soi. La gestion de cet accord est très complexe, et notre pays n'est pas suffisamment préparé pour en tirer tous les avantages”, souligne à Liberté M. Amer Yahia, un des négociateurs de l'accord, et actuellement consultant. “Nous n'avons pas d'administration bien structurée, ni d'organisations professionnelles, encore moins de centres techniques et de recherches pour assurer le suivi et la gestion de l'accord d'association” ; c'est, en substance, la problématique majeure soulevée par Amer Yahia. C'est que l'accord d'association prévoit un certain nombre de protocoles sur des questions très techniques comme “les règles d'origine”, que seule une administration “outillée” est à même de suivre et de gérer. Pour autant, M. Amer Yahia estime que la ratification de l'accord par l'Algérie est “une bonne chose”. Car, au-delà du volet commercial, sur le plan politique, la mise en œuvre de l'accord d'association donne un coup de pouce à l'instauration d'un Etat de droit en Algérie. L'accord obligera l'Algérie à mettre en place et à respecter les règles de transparence et de concurrence. M. Amer Yahia est convaincu que l'impact du démantèlement tarifaire ne sera pas “très dommageable” sur l'économie algérienne. Explication : l'impact, selon lui, ne sera pas immédiat. La première phase du démantèlement tarifaire concerne globalement les matières premières et des demi-produits qui sont essentiellement importés. Le fait de les importer en exonération de droits de douanes devrait, de son point de vue, améliorer la performance de l'entreprise : “Il y aura un effet positif sur les coûts de production.” La phase intermédiaire du démantèlement prévoit un calendrier sur cinq ans, avec deux années de différé. “À ce niveau, il peut ne pas y avoir de conséquence dommageable”, soutient Amer Yahia. Selon lui, le démantèlement concernera les biens d'équipements industriels et agricoles et les produits énergétiques. Des biens qui, actuellement, sont frappés d'un taux de droits de douanes de 5%, assortis d'un droit additionnel provisoire, qui disparaîtra en janvier 2006. La troisième et dernière étape concernera les produits qui sont fortement concurrencés, le textile et l'habillement, la chaussure, les biens de consommation, l'électronique et l'électroménager… Le démantèlement se fera sur 10 années, avec un différé de deux années. Amer Yahia souligne, à juste titre, que les opérateurs économiques versés dans le textile et l'habillement se plaignent surtout de la concurrence déloyale de l'informel. Sur ce point, l'Union européenne exercera une pression sur les institutions du pays pour lutter efficacement contre ce fléau. Là aussi, Amer Yahia juge l'effet de l'accord d'association positif, d'autant que l'Algérie, soutient-il, “n'avance sur les réformes que sur pressions extérieures”. L'accord d'association, selon Amer Yahia, est aussi un signal positif adressé à l'investissement étranger, en quête de visibilité et de stabilité du cadre. Pour les citoyens, le démantèlement tarifaire aura, en principe, s'il est répercuté, un effet positif sur les prix, à travers la suppression des droits de douanes sur les matières premières dès l'entrée en vigueur de l'accord d'association. Amer Yahia souligne que “la protection douanière n'a jamais aidé une industrie à se développer. Bien au contraire, elle génère des courants de fraude”. Pour preuve, dit-il, “depuis 1976, il était permis d'exporter en Europe en exonération de droits de douanes. Cela n'a pas développé les exportations algériennes”. L'ex-directeur de la restructuration industrielle au niveau du ministère de l'Industrie insiste, notamment, sur la mise en place de structures techniques capables de gérer l'accord. Car, estime-t-il, si sur le plan politique “le travail a été bien mené”, sur le plan économique, par contre, “nous n'avons pas les institutions appropriées pour prendre en charge les préoccupations qui découleront de la mise en œuvre de l'accord”. C'est le cas, par exemple, du dossier de la mise à niveau qui, selon lui, devrait concerner aussi bien l'entreprise, son environnement, que les institutions de l'Etat. Amer Yahia estime que les opérations ponctuelles de mise à niveau n'ont pas eu l'impact escompté. Ce qu'il faut, c'est un programme de mise à niveau à grande échelle et qui, dans l'entreprise, devrait se concentrer sur la capacité organisationnelle et managériale. Amer Yahia précise que l'accord d'association est plus global. Il touche au dialogue politique, à la libéralisation des mouvements des capitaux et aux produits agricoles. M. R.