Cela fait déjà plus d'une vingtaine d'années que ni l'école, ni les administrations, ni encore les autres établissements publics, à l'exception de ceux de la santé, n'ouvrent leurs portes à cette occasion. Célébré il y a encore quelques années dans de rares régions du pays, le nouvel an berbère, coïncidant chaque année avec le 12 janvier du calendrier grégorien, est aujourd'hui célébré sur tout le territoire national. Et de manière officielle, tant ce sont, à présent, les autorités même qui concoctent, dans les 48 wilayas, des programmes de festivités à cette occasion. Le hic est que, toutefois, ce passage au nouvel an berbère demeure confronté au refus des autorités de porter cette journée dans la nomenclature des fêtes légales, et répondre ainsi à une vieille revendication populaire et identitaire chère à la grande majorité, pour ne pas dire la totalité, du peuple algérien. À l'occasion de la célébration de cette date, cette année encore, des voix continuent de s'élever pour réclamer l'inscription officielle de Yennayer comme journée fériée, donc chômée et payée. C'était, notamment, le cas du Front des forces socialistes (FFS) qui, par le biais de son chef de groupe parlementaire, a adressé une lettre au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le mettant au défi de cette reconnaissance pour, a-t-il écrit, "marquer vraiment cette authenticité algérienne qui nous dispense d'aller chercher nos printemps ailleurs". Le député du FFS rappelle, au passage, avoir déjà introduit une proposition de loi portant cette revendication depuis le 22 janvier 2014. Même le RND, un parti du pouvoir, a, dans une déclaration rendue publique hier, jugé cette occasion "propice pour interpeller les pouvoirs publics à décréter le 12 janvier, nouvel an berbère, journée officiellement fériée au même titre que le 1er janvier et le 1er Mouharram, dès lors que tamazight est consacrée langue nationale et officielle dans la nouvelle Constitution". Pour d'autres acteurs politiques, notamment le RCD et le MAK, cette revendication est déjà portée dans la rue depuis de nombreuses années, et avant eux par le MCB depuis le début des années 80. Mais il n'en demeure pas moins que ces appels, bien que nombreux et émanant de toutes les franges de la société, n'ont eu jusque-là de réponse que le déni savamment entretenu par le pouvoir qui n'a, toutefois, pas réussi à empêcher Yennayer de s'ériger en une journée fériée de fait, notamment dans la région de Kabylie. S'il est vrai que sur le reste du territoire national l'on célèbre de plus en plus Yennayer, bien que l'on se contente encore d'organiser le dîner de cette fête, des festivités folkloriques organisées à l'initiative des autorités dans les structures de jeunesse et, pour cette fois, un cours dans toutes les écoles sur les origines de Yennayer, dans la région de Kabylie, on en fait purement et simplement une journée chômée et payée, donc fériée. Cela fait déjà plus d'une vingtaine d'années déjà que ni l'école, ni les administrations, ni encore les autres établissements publics, à l'exception de ceux de la santé, n'ouvrent leurs portes à cette occasion. Et la journée n'est pas seulement chômée, mais aussi payée. Jamais de mémoire collective locale, cette journée n'a été défalquée sur les salaires des travailleurs. Dans cette région, une espèce d'accord tacite est passée entre les travailleurs qui boycottent naturellement leur lieu de travail en cette date et l'administration qui semble s'être bien adaptée à cette donne sociale qu'est la sacralité de cette fête. Une fête que l'on célèbre dans tous les foyers, tous les villages et toutes les villes de la région. À Tizi Ouzou, pour ne citer que ce cœur de la Kabylie, il n'est même plus question, pour les autorités locales, de tenter d'agir dans le sens contraire de cette volonté populaire exprimée. Elles cherchent plutôt la meilleure manière de participer à sa célébration. Et c'est ainsi d'ailleurs qu'en plus des traditionnelles festivités, deux grandioses défilés dans la ville sont annoncés sous l'autorité du wali de Tizi Ouzou. Des défilés qui ne sont, bien sûr, pas dénués d'arrière-pensées politiques, puisqu'à travers ces manifestations, il serait question aussi de justifier un éventuel empêchement de l'habituelle marche organisée par le MAK chaque année à la même date. En tout cas, quel que soit l'intérêt accordé ou à accorder à cette date par les autorités et quelle que soit l'importance des activités qu'elles organisent à l'occasion, sans l'officialisation de son inscription comme journée fériée, la Kabylie continuera de considérer l'effort et la volonté des pouvoir publics insuffisants, car dans cette région, il est établi depuis la nuit des temps que Yennayer n'est qu'une partie intégrante de son identité et que sa non-reconnaissance officielle ne fera que perpétuer la remise en cause de toute volonté du pouvoir d'accorder à tamazight la place qui lui revient de droit. Samir LESLOUS