Pratiquement isolé sur la scène internationale, notamment après l'ultimatum que lui a fixé l'Union africaine pour qu'il cède le pouvoir au président élu aujourd'hui, Yahya Jammeh invoque "l'ingérence étrangère" et refuse de céder. Alors que des milliers de Gambiens et d'étrangers fuient la Gambie en franchissant la frontière avec le Sénégal, selon le constat établi par le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), car redoutant une détérioration de la situation dans ce pays, le président gambien sortant s'accroche bec et ongles à son poste. Bien qu'il soit de plus en plus isolé en raison des multiples pressions de la communauté internationale, notamment de la part de l'Union africaine et de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), Yahya Jammeh a proclamé mardi l'état d'urgence en invoquant "l'ingérence étrangère". Selon la Constitution gambienne, l'état d'urgence dure sept jours lorsqu'il est proclamé par le chef de l'Etat, mais peut être porté à 90 jours avec l'approbation de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, la télévision d'Etat gambienne a indiqué hier que l'Assemblée nationale gambienne a adopté une résolution prolongeant de trois mois le mandat du président sortant Yahya Jammeh. Ce dernier a dénoncé dans une intervention à la télévision "un niveau d'ingérence étrangère exceptionnel et sans précédent" dans le processus électoral et les affaires de le Gambie, tout en soulignant "l'atmosphère hostile injustifiée qui menace la souveraineté, la paix et la stabilité du pays". Yahya Jammeh affirme vouloir rester en place tant que la justice n'aura pas statué sur ses recours, malgré la menace de la Cédéao, qui a notamment averti à plusieurs reprises qu'elle pourrait avoir recours à la force en dernier ressort. Pendant ce temps, quatre nouveaux ministres gambiens ont démissionné de leurs postes, emboîtant le pas à ceux qui avaient déjà quitté le gouvernement. Les derniers en date sont les titulaires des Affaires étrangères, des Finances, du Commerce et du Tourisme, qui ont tous démissionné, a indiqué une source proche du régime. Les ministres de l'Information et des Sports avaient été remplacés la semaine dernière. Des changements sont également intervenus dans l'armée : des officiers refusant de soutenir M. Jammeh contre M. Barrow, comme le leur demandaient des commandants de la Garde républicaine qui assure la protection du président sortant, ont été arrêtés dimanche soir, selon une source de sécurité. Face aux risques de guerre civile ou d'intervention militaire extérieure, les Gambiens sont de plus en plus nombreux à quitter le pays depuis le début de l'année. En plus de la circulation habituelle de la Gambie vers le Sénégal, plusieurs milliers de personnes ont franchi la frontière pour trouver abri, principalement en Casamance, dans le sud du pays, indique le HCR. Rappelons qu'à l'exception de sa façade atlantique, la Gambie, ex-colonie britannique de moins de deux millions d'habitants, est totalement enclavée dans le Sénégal. Dans une nouvelle réaction mardi soir, les Etats-Unis ont exhorté le président gambien sortant Yahya Jammeh de passer la main à son successeur élu Adama Barrow et d'éviter ainsi que ce pays ne sombre dans le "chaos". Merzak Tigrine