En matière de politique étrangère américaine, les formes changent, mais pas le contenu. Donald Trump, installé officiellement depuis hier comme 45e président des Etats-Unis, sera-t-il l'homme qui arrêtera l'interventionnisme américain dans le monde, notamment au Moyen-Orient ? Dr Samir Saul, professeur des relations internationales contemporaines à l'université de Montréal, n'exclut pas l'éventualité. S'exprimant lors d'une conférence organisée mercredi soir par l'organisme MENA (Middle East and North Africa), M. Saul croit que le nouvel homme fort américain réorientera la diplomatie américaine. C'est que, avant même son élection, M. Trump a fait le constat d'échec de l'interventionnisme américain, affirme Saul. Cette politique de la terre brûlée des Etats-Unis est génératrice du chaos qui touche maintenant y compris des pays de l'Occident, considère-t-il. "Les guerres classiques ou les guerres par procuration n'ont pas donné les résultats escomptés par les néoconservateurs, incrustés dans l'appareil de l'Etat depuis plus de 25 ans", rappelle le professeur. D'où l'échec de l'armée américaine en Syrie et en Libye. L'orateur soutient que l'interventionnisme de l'armée américaine fait la part belle aux groupes terroristes et autres djihadistes, en créant le chaos dans la région. "Cela dit, il y aura sans doute une sorte de continuité entre Obama et son successeur", soutient l'historien pour qui, en matière de politique étrangère américaine, les formes changent, mais pas le contenu. Trump qui concentrera ses efforts sur la relance de la machine économique américaine serait enclin à chercher à stabiliser la région du Moyen-Orient secouée par des crises récurrentes, ajoute-t-il. Cette quête de stabilité passera par l'arrêt de tout interventionnisme cher aux néoconservateurs, mais aussi par un soutien aux Etats, y compris autocratiques, selon l'affirmation du conférencier. Pour celui-ci, la cible du président républicain demeure la Chine. "Trump est même prêt à faire des concessions à la Russie, à tout le moins s'entendre avec elle, juste dans le but de la détacher de la Chine", observe l'intervenant. Mais connaissant le caractère imprévisible de l'homme d'affaires, rien n'est moins sûr. Samir Saul est convaincu que le monde se dirige désormais vers une sorte de redistribution de cartes géopolitique. "Avec Trump à la tête des Etats-Unis, il est fort à parier que l'hégémonisme mondialiste cèdera le pas à l'hégémonisme traditionnel", conclut M. Saul pour qui cette période d'effritement des manœuvres géostratégiques pourrait pousser Trump, un populiste conscient de la realpolitik, à redéfinir la suprématie américaine dans le monde. Y. A.