Donner l'illusion d'une organisation à l'écoute de ses populations avec une architecture moderne : un ensemble de comités permanents, coiffés par des agences spécialisées, le tout sous la surveillance d'un Parlement arabe élu et même d'une cour de justice panarabe. Ce sont des résolutions modernes dont la mise en pratique est sans lendemain. En réalité, tous les régimes arabes ont peur du changement et de leur propre société. Chez la plupart, l'état d'urgence a fini par ne plus être une exception. Les droits humains, considérés, ailleurs, comme élémentaires, n'ont pas encore droit de cité dans beaucoup de pays arabes. Commençons par la caricature de pays autoritaires, les monarchies du Golfe. En Arabie Saoudite, ce n'est qu'en 2005 que des populations ont, de visu, admiré ce qu'est un isoloir et un bulletin de vote. Encore que les conseillers municipaux élus doivent se contenter de faire de la figuration face aux membres directement désignés par le pouvoir. Les Saoudiennes devront patienter jusqu'au prochain tour pour visiter, à leur tour, les isoloirs. Dans ce royaume, la loi fondamentale reste la loi religieuse, interprétée de surcroît, sous le prisme du wahhabisme : une doctrine des plus réactionnaires qui a enfanté Al-Qaïda et, bien avant, les “frères musulmans”. Le paradoxe d'un pays, qui fait pâlir de jalousie les grandes mégapoles ultramodernes de l'Occident, est que ces immenses tours de verre bruissent d'archaïsmes socioculturels. Tant et si bien, que le pouvoir fait face à une véritable sédition islamiste qui réclame, à coup d'attentats meurtriers, l'abrogation des accords stratégiques liant Riyad à Washington (conclus au lendemain de la seconde Guerre mondiale, dès lors que le pétrole devenait le moteur de l'économie mondiale). Dans cette région du Golfe, les principautés dénotent tout de même, notamment au Qatar où Hamad Ben Khalifa Al-Thani s'est doté d'une Constitution, après avoir déposé son père en 1995. Son pays est devenu une destination touristique pour la jet-set internationale mais sa chaîne satellitaire Al-Jazira indique bien que ce n'est pas demain que les dirigeants des pays du Golfe balaieront devant leur porte. Al-Jazira brocarde tous les régimes arabes sauf ceux du CCG (Conseil consultatif du Golfe). Bahreïn et Oman ont même procédé à des élections, mais le pouvoir reste entre les mains des émirs, les monarchies constitutionnelles qu'ils ont introduites ne le sont que de façade. En Egypte, Moubarak a fini par accepter l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel et selon le mode pluraliste mais continue de refuser la limitation du mandat présidentiel. Depuis des années, l'opposition réclame des réformes que Moubarak réfutait au motif que plane le danger islamiste. En Syrie, Bachar Al-Assad, qui traîne la casserole d'avoir hérité le pouvoir de son père, se trouve dans l'œil du cyclone américain qui l'accuse, sans preuves irréfutables, d'alimenter le terrorisme dans la région. Il s'est vu dans l'obligation de respecter la résolution onusienne lui enjoignant de quitter définitivement le Liban, que son pays occupe depuis 1989. Le Liban, en outre, a toutes les chances de réussir sa “révolution des cèdres”. Pour peu que le Hezbollah respecte son engagement de ne pas essayer de réanimer les germes qui avaient plongé le pays dans la guerre civile. Au Maghreb, la situation se présente différemment. Tripoli ne jure plus que par Washington alors qu'auparavant Kadhafi dirigeait ses actions sous le prisme de l'anti-américanisme. En Tunisie, les réformes économiques et socioculturelles prouvent qu'elles restent insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées par l'établissement d'une démocratie réelle. Le président tunisien, que son homologue français, Jacques Chirac, avait érigé en exemple, arguant que le développement passe avant les libertés démocratiques, vient d'être estampillé par le président américain pour qui, la démocratie c'est également l'existence d'une opposition. Au Maroc, Mohammed VI donne l'impression de vouloir être de son temps. Après avoir supprimé le tutorat dont était affligée la Marocaine, il s'est engagé dans la réhabilitation de toutes les victimes de l'arbitraire, faisant dire à des fidèles de Hassan II, qu'il procédait là à un véritable procès du règne de son propre père. Au Maroc, le makhzen demeure tout de même la pierre angulaire du pouvoir. D. B.