Où va l'argent arabe ? La question n'est toujours pas élucidée, et même chez les pétrodollars, qui ont calqué leurs villes sur le modèle occidental postmoderne, le contraste est frappant. D'un côté la nomenklatura et, en face, une société frappée de plein fouet par des difficultés de tout ordre. Proie facile de l'extrémisme religieux qui surfe sur une modernité non seulement très mal partagée, mais également mal digérée faute de démocratie, et que ce dernier présente comme une opération visant à saper, en priorité, le socle socio-religieux des sociétés musulmanes. Pris globalement, les pays arabes sont riches mais, à regarder de près, cette richesse est somme toute virtuelle. Le total des produits nationaux bruts des 22 pays (700 milliards de dollars) n'excède pas celui de l'Espagne dont la population ne dépasse pas le dixième de celle des pays composant la Ligue arabe ! Les exportations arabes représentent seulement 4% du volume des exportations mondiales. Quand on sait que ce score n'est dû qu'au pétrole, on mesure le degré d'arriération dans ces pays. En 2003, la facture des exportations s'élevait à 303 milliards de dollars ! Une goutte d'eau. Mono-exportateurs ou, à tout le moins, destinations du tourisme de masse occidentale (Egypte, Tunisie et Maroc), les pays arabes sont restés à la traîne dans le processus de mondialisation. Une étude réalisée par l'Onu sur le développement dans ces pays a révélé l'étendue du désastre. 25% de la population arabe sont en chômage et près de 70 millions sont analphabètes. Les économies arabes sont loin, très loin, de correspondre aux standards internationaux. Pourtant, les Arabes qui sont assis sur pratiquement 60% des réserves mondiales de pétrole et le tiers en gaz ont placé 1 200 milliards de dollars dans des banques occidentales ! Les bureaucrates de la Ligue arabe promettent de régler ces questions, son Conseil économique et social présentera devant le Sommet d'Alger un plan de développement décennal. Pourtant, ce ne sont pas les plans qui ont manqué chez les Arabes. Cultivant le fantasme d'un monde arabe de l'Atlantique à l'Euphrate, les chefs arabes avaient même rêvé dans les années 1970 l'intégrer par la spécialisation de ses membres. Le Soudan était promis à devenir le “grenier” du monde arabe. Aujourd'hui, Khartoum est frappé par la famine et ne doit sa survie qu'aux aides alimentaires occidentales. Les régimes partagent au moins une chose : le mécontentement de leurs populations. D. B.