Cinquante-sept ans après le premier essai nucléaire en Algérie, et à l'heure où la campagne électorale pour la présidentielle en France bat son plein, aucun des candidats ne s'est encore exprimé sur la nécessité d'une reconnaissance des massacres et autres crimes coloniaux perpétrés en Algérie. L'un d'eux, en l'occurrence Emmanuel Macron, sera aujourd'hui à Alger où il sera reçu par des officiels avec lesquels il abordera plusieurs questions, sauf probablement celle-là. Enfin, quoi qu'il en soit, on retient que malgré une intensification des échanges entre les deux pays qu'on présente, du reste, comme du "pragmatisme", sur le chapitre de la mémoire, rien de concret n'a été concédé réellement par l'ancienne puissance coloniale. Ni reconnaissance, ni repentance, ni excuses, ni indemnisation, si ce n'est une vague information judiciaire ouverte contre X en septembre 2004 à Paris sous la pression de civils et de militaires français, exposés aux essais nucléaires en Algérie et en Polynésie française, sans compter l'indignation des historiens français et algériens ainsi que des militants anticolonialistes qui continuent, eux, à exiger non seulement une reconnaissance des faits mais aussi une réparation afin de rendre justice aux victimes et/ou à leurs descendants. Rappel des faits : il y a cinquante-sept ans, le 13 février 1960, la première bombe atomique française "Gerboise bleue" explosait à Reggane, dans la wilaya d'Adrar. S'ensuivront "Gerboise blanche" le 1er avril 1960, "Gerboise rouge" le 27 décembre 1960 et "Gerboise verte" le 25 avril 1961, de très jolis noms derrière lesquels se cachent des armes dévastatrices et un drame inextinguible que payent les Algériens à ce jour dans leur chair. En tout, ce sont pas moins de 17 expériences nucléaires qui ont été menées par l'armée française sur le sol algérien. Des essais qui ont permis à la France d'entrer dans le club très fermé des puissances nucléaires. Et à quel prix ! Aujourd'hui même, les scientifiques s'accordent à reconnaître que les quatre essais aériens de Reggane ont été parmi les plus polluants et les plus nocifs de l'histoire de l'atome. D'après les spécialistes, des aérosols radioactifs produits par l'explosion sont à ce jour encore en suspension dans la stratosphère. La puissance du tir aurait été de 70 kilotonnes. "Gerboise bleue" est, pour rappel, un essai nucléaire aérien qui a consisté en une explosion en atmosphère à très faible altitude (à moins de 100 mètres du sol). C'est dire, ainsi, ses caractéristiques polluantes innombrables. La zone contaminée dépasserait 150 km à la ronde. Le "ground zero" encore radioactif est situé au lieudit Hamoudia, à 65 km au sud de Reggane. À ce jour, la zone est sécurisée et interdite aux nomades par des pancartes où il est clairement indiqué en arabe, en français et en tamachek le danger de s'y approcher. Mohamed-Chérif Lachichi