Le procureur a requis, hier, la peine capitale pour l'ensemble des chefs d'inculpation retenus contre Chouaïb Oultache, ex-chef de l'unité aérienne de la Sûreté nationale. "Il faut frapper d'une main de fer pour que ce cas grave serve d'exemple", a-t-il dit. Dans son réquisitoire, le procureur de la République rappelle que l'accusé est poursuivi pour l'assassinat d'Ali Tounsi, alors directeur général de la Sûreté nationale, pour tentative d'assassinat du chef de sûreté de wilaya d'Alger et du directeur de l'administration générale de la Sûreté nationale, et pour port d'arme sans autorisation. "Tounsi a échappé aux balles des terroristes pour tomber sous les balles de la colère d'un proche", commente-t-il. Le procureur revient sur la transaction conclue entre la DGSN et la société ABM pour l'acquisition d'onduleurs. "La justice a tranché déjà sur cette dernière affaire en condamnant Oultache et son gendre Sator à des peines de prison. Donc, les soupçons de Tounsi étaient fondés. Pour ce qui est du crime commis, j'ai la conviction que ce matin-là, en prenant son arme, Oultache avait l'intention soit d'obtenir le report de la réunion, soit d'assassiner le DG." Il estime que le DGSN est mort en "défendant l'argent public". Les plaidoiries de la partie civile ont été entamées par celle de l'avocat de l'ex-chef de la sûreté de wilaya d'Alger. Il affirme que son mandant a été la cible d'une tentative d'assassinat parce qu'il avait eu, à plusieurs reprises, à se plaindre de la mauvaise qualité des équipements acquis au temps d'Oultache. "On a ramené le chef de sûreté Abdrabou alors qu'il ne devait pas assister à cette réunion. Ce qui laisse entrevoir la possibilité d'une tentative d'assassinat et d'un crime ‘télécommandé'." L'avocat se demande pourquoi le directeur des Renseignements généraux (RG) n'a pas été auditionné, dans le cadre de cette affaire, sur la nature exacte de la relation entre Ali Tounsi et Oultache. Me Chenef, avocate de la famille Tounsi, déclare que l'assassinat du DGSN dans son bureau, l'un des endroits les plus sécurisés du pays, a créé un "syndrome Tounsi". "La peur a gagné du terrain et l'on est allé jusqu'à équiper tous les édifices publics de scanners." Elle cite le parcours du défunt en le qualifiant de patriote et d'expert des questions sécuritaires. La chemise de Tounsi "ne portait aucun impact de balle" L'avocate est convaincue que la victime qui pratiquait les arts martiaux ne pouvait menacer l'accusé avec un ouvre-enveloppe. "Nous étions les premiers à remettre en cause la reconstitution du crime comme nous avons demandé l'audition de l'ex-ministre de l'Intérieur, Nourredine Zerhouni, ainsi que le directeur d'Ennahar qui ne s'est pas présenté à l'audience. Mais, aujourd'hui, nous avons été convaincus par les explications du médecin légiste. Le coupe-enveloppe a été trouvé tordu, sous le corps du défunt. S'il était ouvert et prêt à servir, il aurait blessé Ali Tounsi. Cela veut dire qu'Oultache l'a mis à cet endroit pour faire croire qu'il a agi dans le cadre de la légitime défense." Elle a assuré que la chemise d'Ali Tounsi ne portait aucun impact de balle. Le deuxième avocat de la famille Tounsi a soutenu que la théorie du complot a été mise en avant durant ce procès pour éloigner l'affaire du terrain des preuves. "Les experts ont conclu que les traces dans le canon du pistolet correspondaient au calibre des balles extraites du corps. Juridiquement, il ne reste plus de place pour la légitime défense ou l'excuse de la provocation", dit-il, en soulignant que la chemise portée ce jour-là par Tounsi "ne portait aucune trace de balle". La défense d'Oultache a plaidé la légitime défense, estimant qu'un ouvre-enveloppe est considéré comme une arme blanche. Me Sidhoum s'interroge : "Pourquoi rattacher la transaction des onduleurs avec l'article d'Ennahar, comme si on voulait un mobile du crime", à supposer que celui-ci ait eu lieu selon la version de l'accusation. "L'information est parvenue au directeur d'Ennahar par le biais d'un informateur anonyme et, comme par hasard, l'article paraît le jour de la réunion", rappelle-t-il. Pour lui, la scène du crime n'a pas été préservée, à cause de son envahissement par les agents de la police judiciaire. Sur l'autopsie, il fait remarquer qu'elle a été faite par deux médecins légistes alors que la réglementation en exige trois. Il ajoute que la trajectoire retenue par le médecin légiste ne correspond pas au tracé des balles creuses. L'authenticité de la chemise mise en doute Pour ce qui est de la transaction entre la société ABM et la DGSN, Me Belarif, avocat d'Oultache, soutient que l'inspection générale de la Sûreté nationale n'a relevé aucune malversation. "Malheureusement, ce rapport a disparu", déplore-t-il. Il doute aussi de l'authenticité de la chemise présentée par le procureur en audience comme étant celle portée le jour du crime par Ali Tounsi. Me Belarif est catégorique : "Le chien du pistolet d'Oultache était hors d'usage et, donc, il lui était impossible de cibler Tounsi de la balle mortelle à 11h30, heure retenue par le médecin légiste comme le moment du décès." Me Belarif tente aussi de démonter la version d'un tir de balle en position assise de la victime. "S'il avait été touché alors qu'il était dans cette position, il n'aurait pas pu se lever de son fauteuil et faire quelques pas. Sans compter qu'aucune trace de sang n'a été constatée sur le bureau." En somme, la défense d'Oultache a tenté d'accréditer la thèse selon laquelle Oultache a tiré une balle en l'air et quatre balles en direction du thorax de la victime, alors qu'il était menacé d'un ouvre-enveloppe par Ali Tounsi. "Les médecins ont ponctionné trois litres de sang du corps d'Oultache. Il a été opéré sans anesthésie parce que l'utilisation de cette dernière l'aurait emporté. De ce fait, on comprend mieux les déclarations de Zerhouni qui a soutenu que le DG a été assassiné par un détraqué qui a tenté de se suicider. Car les informations qu'il a eues indiquaient qu'Oultache allait mourir et donc il pouvait se permettre de tout dire", a plaidé encore Me Belarif. À 17h30, le tribunal criminel s'est retiré pour délibérer. N. H.