Un vent de démocratie souffle sur l'Asie centrale. Une vaste région de l'ex-union soviétique, stratégique pour son pétrole et extrêmement sensible pour ses composantes sociologiques. L'Asie centrale est pratiquement une terre d'islam, fortement travaillée par le wahhabisme, qui s'y est investi lorsque l'Arabie saoudite finançait la guerre contre l'union soviétique en Afghanistan. La révolution kirghize apporte une satisfaction morale aux opposants des régimes de l'ensemble de l'Asie centrale où les pouvoirs sont des plus autoritaires, jouant jusqu'ici sur des soutiens de la Russie et des Occidentaux face aux menaces de l'islamisme politique. La chute du régime d'Askar Akaïev, sans effusion de sang après un mouvement de contestation populaire, est un événement encourageant pour la région, d'autant qu'il s'est écroulé sans la moindre résistance. L'épidémie démocratique fait tache d'huile. Les régimes kazakh, ouzbek et turkmène se tiennent le ventre, d'autant qu'ils sont plus autoritaires que celui qui vient de tomber au Kirghizstan. L'un d'entre eux vient de fermer les hôpitaux de son pays après avoir interdit le cinéma et le café ! Les bouleversements en cours dans l'Asie centrale inquiètent au plus haut point le président russe qui voit ainsi s'évaporer ses ambitions impériales. Le maître du Kremlin a vu, ces dernières années, décliner son influence dans les pays de l'ex-Urss. Après la perte de la Géorgie et de l'Ukraine, dont les nouveaux leaders sont tournés vers l'Occident, c'est toute l'Asie centrale qui menace de tourner le dos à la Russie. Même l'ex-république soviétique de Moldavie, pourtant dirigée par un communiste, cherche désormais également à s'intégrer dans les structures européennes plutôt que dans celles de la Communauté des états indépendants (CEI) mise sur pied à la fin de l'Urss. Poutine s'est rendu à l'évidence, reconnaissant que “la capacité de Moscou d'imposer sa volonté dans une région du monde, jadis régentée par l'Urss, n'était plus ce qu'elle était il y a encore une décennie”. Il prévoit même la disparition de la CEI, souhaitant un “divorce civilisé”. Cependant, Poutine ne se condamne pas à rester les bras croisés face à l'encerclement démocratique dont est menacé son pays. Il a mis sur pied, la semaine dernière, une structure chargée de faire contrepoids aux révolutions dans l'espace post-soviétique. Toutefois, le président russe, même s'il condamne ces changements aux portes de son pays, se déclare prêt à travailler avec les nouvelles équipes. Les Etats-Unis, eux, se frottent les mains. Moscou ne s'est, d'ailleurs, pas gêné d'accuser Washington. Ce qui n'est pas faux. Ce n'est pas un secret : le gouvernement américain finance depuis des années la promotion de la démocratie dans cette partie de l'Asie centrale, notamment par le biais du National Democratic Institute (NDI). Les Américains ont les pieds en Asie centrale. Dans les pays assis sur des gisements pétroliers et gaziers, les multinationales US ont pignon sur rue, et dans ceux frontaliers de l'Afghanistan, la présence américaine est d'ordre militaire. Le Kirghizstan abrite une base aérienne américaine à Manas, près de la capitale, qui a joué un rôle lors des opérations militaires américaines en Afghanistan en 2001. Le nouveau dirigeant kirghize s'est empressé d'assurer les Américains et les Russes sur leur présence dans ce pays fertile au développement de mouvements islamistes. D. B.