Dès 2009, le gaz d'Asie centrale sera vendu à la Russie à un "prix européen", soit 250 à 270 dollars les 1 000 mètres cubes, contre 130 à 150 actuellement, ont annoncé les représentants des entreprises gazières kazakhe, ouzbek et turkmène, réunies le 11 mars au siège de Gazprom à Moscou. Cette promesse d'accord signée par le groupe gazier russe Gazprom avec les républiques d'Asie centrale pourrait faire monter la note que les pays consommateurs paient pour le gaz russe et porter un coup aux projets européens de diversification de leurs approvisionnements. Pour ce qui est de la facture, Alexeï Miller, le patron du groupe russe, a déjà donné le ton en déclarant que dès 2008, le gaz sera vendu à l'Europe 400 dollars (les 1 000 m3) contre 370 actuellement. Il faut dire que la Russie est dépendante du gaz d'Asie centrale pour ses livraisons à l'Europe, à l'Ukraine ou à la Turquie. Ces dernières années, Gazprom achetait ce gaz à un prix inférieur à celui du marché (70 dollars début 2006, 130 à 150 dollars en 2008) et le revendait trois ou quatre fois plus cher. Coupés d'accès au marché mondial, faute de gazoducs, l'Ouzbékistan, le Turkménistan et le Kazakhstan étaient, jusque-là, obligés d'accepter les conditions de Gazprom en livrant en priorité leur production à la Russie, dans le cadre de contrats à long terme. Une telle inégalité des prix a poussé ces Etats à chercher des solutions alternatives pour exporter leur ressource. Pas étonnant, dans ce contexte, que Gazprom ait fini par céder à la demande des producteurs d'Asie centrale d'un "prix européen" pour leur gaz. Comme solution, il y a d'abord l'Union Européenne. En effet, en matière de ressources énergétiques, l'Union européenne compte bien se tourner vers l'Asie centrale. Selon le rapport de la Commission des affaires étrangères sur la stratégie européenne en Asie centrale, cette région pourrait devenir un partenaire stratégique de l'Union européenne, surtout en matière énergétique. Dans cette région charnière entre l'Asie et l'Europe, le Kazakhstan, le Kirghistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan pourraient diversifier les sources d'approvisionnement énergétique de l'Union. L'UE importe actuellement 50% de ses besoins énergétiques, part qui devrait passer à 70% d'ici à 2030. Consciente de cette dépendance croissante, l'UE souhaite notamment devenir moins tributaire de la Russie. Surtout après les interruptions de livraison de gaz à plusieurs ex-Républiques soviétiques. C'est dans cet esprit que la construction du "Nabucco", un tube destiné à acheminer le gaz d'Asie centrale vers le Vieux Continent en contournant la Russie, était envisagée. Un tronçon, de Bakou (Azerbaïdjan) à Erzurum (Turquie), a déjà été réalisé. Cependant, malgré le soutien dont il jouit de la part de l'UE et des Etats-Unis, le projet Nabucco risque de rester sur le papier. La nouvelle donne en matière de prix le rend moins attractif aux yeux des producteurs d'Asie centrale. Par ailleurs, la position de l'Asie centrale sur l'échiquier énergétique se voit renforcée par l'intérêt de la Chine qui considère aujourd'hui l'Asie centrale comme la clé de sa sécurité énergétique. En effet, Les investissements chinois sont importants au Kazakhstan. Et suite au rachat de PetroKazakhstan par la China National Petroleum Corporation (CNPC) en 2005, la Chine contrôle désormais près d'un quart de la production locale de pétrole. Un autre projet a bien avancé. Il s'agit de la construction d'un gazoduc entre la Chine et le Kazakhstan. L'Ouzbékistan et le Turkménistan souhaitent s'y raccorder. Les grandes manœuvres énergétiques chinoises en Asie centrale remettent en cause la suprématie russe dans la zone.