Certains experts dans le domaine des technologies de l'information et de la communication n'hésitent pas à qualifier l'ARPT d'"arbitre qui ne sort jamais le carton jaune". L'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT), ce "gendarme" des télécommunications, dix-sept ans après sa création, suscite moult interrogations quant à son rôle dans l'émergence d'un paysage concurrentiel "sain", lequel profite au consommateur. Si on devait se fier à l'activité ou plutôt à l'inactivité de cette autorité, on serait tenté de croire que le secteur des télécommunications en Algérie est un long fleuve tranquille. Or dans les faits, c'est loin d'être le cas. Une concurrence féroce et parfois déloyale se déroule chez les opérateurs et le consommateur n'en sort pas toujours gagnant. Certains experts dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, notamment Younes Grar et Ali Kahlane, n'hésitent pas à qualifier l'ARPT d'arbitre qui ne sort jamais le carton jaune. "Elle caresse dans le sens du poil" À la question de savoir si ce "gendarme" assure ses prérogatives, Younes Grar, expert dans le domaine, a un avis très tranché. "Non ! Et je suis catégorique dans ma réponse. J'ai l'impression que cette autorité manque justement d'autorité vis-à-vis des opérateurs (...) À mon sens, l'ARPT caresse un peu trop les opérateurs dans le sens du poil, et ce, au détriment des consommateurs", a-t-il affirmé. Et d'ajouter : "l'ARPT devrait se fixer comme seul et unique objectif l'intérêt des consommateurs et, actuellement, c'est loin d'être le cas", a-t-il soutenu. Selon lui, le consommateur n'est pas protégé par l'ARPT, car cette dernière n'obligerait pas les opérateurs à aller vers une concurrence qui profite aux clients. Pour lui, afin de bénéficier des meilleurs avantages, les clients sont contraints de s'abonner chez les trois opérateurs, ce qui explique le nombre de 47 millions d'abonnés mobiles. "Je trouve que c'est grotesque. L'ARPT a le droit et l'obligation, en tant que gendarme des télécommunications, de privilégier l'intérêt des abonnés et de mettre en place une dynamique concurrentielle", a-t-il préconisé. Du côté de l'association de la protection et de l'orientation du consommateur et son environnement (Apoce), l'avis est moins tranché. C'est du moins ce qu'indique Mustapha Zebdi, président de ladite association. Pour lui, les abonnés sont "mieux protégés" depuis quelques années, mais il attribue cette amélioration aux efforts de son association. "Je ne sais pas si l'ARPT y est pour quelque chose ou non, mais une chose est certaine, grâce à notre travail de sensibilisation, l'avis des consommateurs est pris en compte, notamment dans le secteur de la téléphonie mobile", a-t-il affirmé. Néanmoins, M. Zebdi regrette le fait que son association ne siège pas au sein de cette autorité. "Nous avons demandé d'être membres de cette autorité afin de garantir au mieux l'intérêt des abonnés, mais nous n'avons eu aucune suite à notre requête", a-t-il déploré. Le Wifi Outdoor, un dossier en stand-by Pour Ali Kahlane, président de l'Association des opérateurs de télécoms alternatifs (Aota), l'ARPT est "statique". Il en veut pour preuve les publications semestrielles de cette autorité, lesquelles ne sont plus fournies depuis... 2007. Autre point soulevé par notre interlocuteur, celui relatif à la mise en place et à la généralisation du Wifi à l'extérieur des bâtiments, ou Wifi outdoor. Lancé en grande pompe par Algérie Télécom, en 2015, ce service peine à se généraliser. Selon M. Kahlane, l'ARPT a bloqué ce projet. "Ce marché devait être confié à des opérateurs alternatifs et un cahier des charges spécifique a été élaboré en avril 2016. Une année plus tard, nous sommes dans le flou total", a-t-il fait savoir. Selon le président de l'Aota, la décision de confier le Wifi Outdoor aux opérateurs alternatifs est une excellente chose, mais, certains points du cahier des charges mis en place, sont, selon lui, impossibles à réaliser. "Comment peut-on demander à une petite start-up de fournir des données de géolocalisation précises sur l'emplacement des antennes relais (...), ce ne sont que des obstacles visant à freiner le développent numérique", dit-il. Afin d'étayer ses propos, M. Kahlane s'insurge contre la décision de l'ARPT d'obliger les ISP à s'approvisionner en bande passante exclusivement auprès de l'opérateur historique. "À ma connaissance, Algérie Télécom est une SPA, donc, pour nous, c'est un concurrent direct. Cette clause du cahier des charges est en soi un obstacle majeur et carrément anticonstitutionnelle", a-t-il dénoncé, tout en menaçant de saisir le Conseil de la concurrence à ce sujet. À titre de rappel, la ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (Ptic), Houda-Iman Faraoun, avait insisté sur le fait qu'Algérie Télécom gardera le monopole sur la bande passante et les infrastructures. En conclusion, M. Ali Kahlane estimera que l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications fonctionne d'une manière bureaucratique et qu'il faudrait, selon lui, insuffler une nouvelle dynamique à ce "gendarme" des télécommunications. RAMDANE B.