Le président Ben Ali appelle à la “transparence” des élections municipales du 8 mai prochain. On ne sait pas si Zine El-Abidine l'a entendu. C'est ahurissant comme certains dirigeants savent dénoncer leurs propres abus. Il y a cinq ans, l'opposition a été généreusement dotée de six pour cent des sièges locaux. Peut-être que le sermon de Ben Ali l'encouragera au moins à participer à la nouvelle échéance. Il y a un mélange d'humour et de sarcasme dans le discours des leaders maghrébins. Le comble est en train d'être atteint par notre invité libyen. Après avoir fait la “guest star” du Sommet arabe avec son propos à contre-courant de l'objet même de la rencontre, il prolonge son séjour par une série de conférences pédagogiques à l'intention de toutes les assistances qu'on veut bien lui réunir. Kadhafi voulait prendre connaissance de l'expérience algérienne, mais voilà qu'il se transforme en précepteur pour le FLN et la “société civile officielle”. Le Guide promène son docte, et posant son regard dédaigneux sur ses auditoires, il cultive le réflexe de faire la leçon. L'air obtus ne devrait pas tromper : il n'est pas si insensé que cela, le frère ! Deux preuves en attestent : il prend soigneusement la précaution de n'être couvert que par les organes de presse officiels, d'une part ; pas un mot désobligeant envers l'Amérique ne lui a échappé, en plus d'une semaine de causeries, d'autre part. Y compris dans ses digressions d'apparence incontrôlées. Malgré le huis clos organisé par sa propre sécurité autour des enceintes où il s'exprime, les échos de ses lumineux propos nous parviennent : il a même fait quelques heureux dans la direction du FLN quand il leur a expliqué que l'intérêt de l'Algérie était dans le retour au système du parti unique. À l'évidence, le leader libyen est engagé dans une entreprise de provocation dont il reste à découvrir le mobile. Il faut, en effet, accepter de prendre le risque de l'incident pour oser ainsi déclarer aux premiers responsables concernés la futilité du multipartisme et suggérer la manière de solder notre compte avec l'ancienne puissance coloniale. Tout ne se lave pas à coups de millions de dollars. D'improvisation en improvisation — planifiée —, le dirigeant libyen se plaît à perturber l'activité politique et gouvernementale. Il est facile de deviner son séjour à tiroirs, il est facile de deviner que, dans bien des institutions, on retient son souffle. Repenti des seuls torts dont les Etats-Unis l'accusent, effrayé par l'expérience de Saddam, Kadhafi fait comme s'il s'était concilié les Etats-Unis pour prendre plus de libertés dans ses rapports au reste du monde. A-t-il senti quelque faiblesse nationale au point de choisir notre pays pour y développer ses offenses ? Ou notre pays a-t-il été désigné pour ces suspectes manœuvres ? M. H.