Le gouvernement ne maîtrise pas un facteur exogène : l'évolution des prix du pétrole. Lors de la conférence de presse conjointe à l'issue de la visite du Premier ministre français Bernard Cazeneuve, Abdelmalek Sellal a affirmé que l'Algérie exclut tout endettement extérieur. En clair, elle ne contractera pas des crédits extérieurs pour financer son déficit budgétaire. Il n'est pas question, a-t-il laissé entendre, que l'Algérie recourt au FMI, sans doute en 2019 et, partant, d'appliquer un nouveau plan d'ajustement structurel douloureux. Cette déclaration constitue-t-elle un revirement du gouvernement par rapport à cette question de l'endettement extérieur ? Il faut savoir qu'avec l'élaboration du nouveau modèle économique, un cadrage budgétaire moyen long terme, le Premier ministre a laissé ouverte l'option de l'endettement extérieur pour réduire le déficit du budget. Cette décision a été suivie de la conclusion d'un accord de prêt de la Banque africaine de développement pour un montant d'un milliard de dollars. Même s'il s'agit d'un endettement très prudent, l'Algérie a contracté ainsi son premier crédit extérieur, ce qui n'était jamais arrivé à l'Algérie depuis plus d'une décennie. Le président Bouteflika avait, en effet, arrêté auparavant la mesure suivante : utiliser les ressources bancaires locales pour tout investissement étranger ou national. Ce qui explique en partie le faible endettement de l'Algérie actuellement. Il convient de rappeler ici que dans les projections de ce cadrage budgétaire moyen long terme, il était prévu que l'Algérie s'endette pour un milliard de dollars en 2017 pour contribuer à financer l'énorme déficit budgétaire. Si on en croit la déclaration du Premier ministre, l'Algérie renoncera à une telle option, sans doute en raison d'une hausse de 20 dollars des prix du baril pétrole par rapport à janvier 2016. Il faut savoir que l'endettement extérieur faisait partie d'une panoplie d'instruments pour surmonter la crise budgétaire, et de manière générale, la crise financière qui affecte le pays depuis 2015, en raison de la chute des prix du pétrole : utilisation de la caisse de régulation des recettes, emprunt obligataire, ponctions monétaires sur les ressources bancaires. Ce sont, cependant, les ressources essentiellement de la caisse de régulation qui ont permis de faire face aux dépenses incompressibles de l'Etat. L'Etat a tellement puisé sur ce fonds qu'on prédit son épuisement en 2017-2018. Du coup, l'Algérie perd aujourd'hui un amortisseur important face aux chocs extérieurs. Mais ce qui masque actuellement le manque chronique de ressources financières, en contexte de crise, est l'existence d'un second amortisseur : les réserves de change. Elles se situent à plus de 100 milliards aujourd'hui et risque d'atteindre le seuil de 90 milliards de dollars en juillet 2017. Un tel niveau permet à l'Algérie de souffler pendant au moins deux ans. Ce qui explique l'optimisme du Premier ministre Sellal. Mais l'Algérie, notons-le, n'est pas à l'abri d'une nouvelle chute des prix du pétrole. L'accord sur la baisse de la production de l'Opep est fragilisée par le non-respect de pays Opep et non-Opep des engagements de Vienne et par le risque de rebond de la production de pétrole de schiste américain. Plusieurs paramètres échappent donc au gouvernement Sellal : les prix du pétrole, les conflits d'intérêts qui freinent la réussite de son plan de rationalisation du commerce extérieur et de promotion d'une politique de substitution aux importations ainsi que la forte dépendance de l'Algérie aux services d'ingénierie et d'études étrangers, la balance des services étant fortement déficitaire. Si tous ces variables agissent de manière négative, il n'est pas certain que l'Algérie ne puisse pas recourir de manière plus forte à l'endettement extérieur. K. Remouche