Résumé : Après une nuit agitée, Linda se rappelle qu'elle devait remettre des vêtements au mendiant et décide de sortir pour faire des courses, histoire de se débarrasser de ses idées funestes. Elle s'assure d'abord que le mendiant était bien sur son banc. La jeune femme n'hésite plus. Elle vérifie que son porte-monnaie contient assez d'argent avant d'ouvrir la porte d'entrée et de se retrouver en quelques secondes de l'autre côté de la ruelle. Le mendiant la reconnaît d'emblée et lui adresse un sourire avant de la saluer. -Bonjour, ma bonne dame. -Bonjour. Elle lui tend le sachet. -Tenez, j'ai trouvé ces choses pour vous. Des vêtements qui sont encore tout neufs et qui vous iront sûrement. Elle le contemple un instant, et comme il gardait le silence, elle poursuit : -ll y a aussi du savon et une grande serviette. Je me disais que vous aimeriez peut-être prendre un bain et vous raser. Elle se mord les lèvres. Mais qui est-elle donc pour proposer à cet homme un bain, alors qu'il n'a même pas un sou pour survivre ? Elle ouvre son sac et prend un billet. -C'est pour le bain. Vous trouverez une douche au coin de la rue. L'homme lui jette un regard curieux, avant de de prendre le sachet de vêtements et le billet de 1000 DA, qu'il se met à tourner dans sa main. -C'est gentil à vous, madame, de penser à me proposer un bain, mais je crois que la somme est excessive, le bain coûte à peine un dixième de ce billet. 100 DA me suffisent. -Non. Prenez cet argent, vous en aurez besoin pour manger aussi. Il ouvre le sachet et jette un coup d'œil aux vêtements avant de relever les yeux vers elle. -Je suis vraiment gâté. La providence vous a mise sur mon chemin, madame. J'ai dû faire une bonne action dans ma vie. -Ce n'est rien. Prenez tout ça et allez vous laver et vous changer. Sur ce, elle s'éloigne au plus vite et hèle un taxi pour se rendre en ville. Salah se paye du bon temps en galante compagnie, oubliant souvent son existence. Elle essuie ses larmes d'une main rageuse et tente de garder un air serein, malgré les battements irréguliers de son cœur, qui lui rappelaient qu'elle n'était plus qu'une ombre dans la vie d'un homme qui, la plupart du temps, n'était jamais à la maison. À son retour, quelques heures plus tard, elle eut du mal à reconnaître l'homme assis sur le banc qui lui faisait face. Ce n'était plus un mendiant, mais un charmant jeune homme qui portait avec grâce et élégance le jeans et le tee-shirt noir de son mari. Il avait vraisemblablement pris une douche et s'était rasé. Sa longue barbe noire et sale avait disparu pour céder place à un visage beau et paisible. L'homme était plongé dans la lecture d'une revue, et quiconque l'ayant vu la veille ne l'aurait pas du tout reconnu. Il ne semblait pas avoir vu venir la jeune femme et continuait sa lecture. On le sentait très concentré sur un article. Linda qui était de l'autre côté de la rue et s'apprêtait à rentrer chez elle ébauche un sourire. Enfin, l'homme lui paraissait dans toute sa splendeur. Elle en ressentit même, et pas sans surprise, une fierté. "C'est drôle qu'un homme aussi beau soit amené à mendier. En plus, on voit qu'il est instruit. Ah ! Que le monde est mystérieux !" (À suivre) Y. H.