La séance de l'après-midi a donné lieu à un plébiscite du candidat du FLN. Sans surprise ni suspense, Saïd Bouhadja a été élu président de l'Assemblée populaire nationale, à la majorité des voix de ses pairs. Le RCD, le MSP et l'alliance Ennahda-Bina-Adala ont adopté une position politique en imposant une élection à plusieurs candidats. Le Mouvement pour la société de la paix (MSP) a tenté, jusqu'au bout, de contrarier la volonté du Front de libération nationale d'imposer une candidature unique pour le poste de président de l'Assemblée populaire nationale. Les députés du FFS, du RCD, du Parti des travailleurs et de l'alliance Ennahda-Bina-Adala ont été approchés par la formation politique dirigée par Abderrezak Makri en vue de présenter une contre-candidature émanant de l'opposition. Ces tractations, qui ont débuté lundi et se sont poursuivies jusqu'à hier matin, n'ont pas abouti à un consensus, selon le député Lakhdar Benkhellaf de l'union Ennahda-Bina et Adala. "Finalement, chaque groupe parlementaire est libre de soutenir son propre candidat", nous a-t-il déclaré. Peu de temps après, le coordinateur du groupe parlementaire du PT, Ramdane Taâzibt, nous a confirmé cette information en précisant que son parti a "consenti à soutenir le candidat du MSP pour montrer que l'opposition peut travailler ensemble quand l'exige la situation. Même si nous sommes conscients que c'est un acte symbolique, sachant que le résultat est connu d'avance". En effet, le RND a annoncé, il y a quelques jours, son soutien au choix du FLN porté sur Saïd Bouhadja, ancien chargé de communication du vieux parti et député de la circonscription électorale de Skikda. Ces deux formations politiques totalisent 261 députés sur les 462 membres de la Chambre basse du Parlement. Si on ajoute l'appui de TAJ et du MPA, le FLN dispose d'une majorité confortable pour imposer son candidat. En sus de Saïd Bouhadja, trois autres députés ont présenté leur candidature sous la chapelle de leurs formations politiques respectives. Il s'agit de Smaïl Mimoun, député du MSP et ancien ministre de la Pêche et aussi du Tourisme et de l'Artisanat, l'avocate Nora Ouali, députée RCD de Béjaïa, et Lakhdar Benkhelaf élu de la circonscription de Skikda sur la liste de l'Alliance Ennahda-Bina-Adala. Ce dernier a souhaité une élection du président de l'APN par un vote à bulletins secrets, au lieu du vote à main levée qui se transforme traditionnellement, en plébiscite. Mais dès l'entame de cette huitième législature, il est apparu évident que les règles de transparence et de procédure n'allaient pas être totalement respectées. Les débuts des travaux ont été modérés comme le stipule le règlement intérieur de l'APN, par le doyen des députés, en l'occurrence Saïd Bouhadja. Il était assisté, dans cette tâche, par les deux plus jeunes parlementaires fraîchement élus, âgés à peine de 27 et 26 ans. Un octogénaire au perchoir de l'Assemblée ! Cette image a beaucoup dérangé le RCD. Son président Mohcine Belabbas déclare : "Le choix de Bouhadja, le plus vieux des députés est une humiliation pour le Parlement. Cela veut dire qu'il n'y aura aucune indépendance du pouvoir législatif par rapport au pouvoir exécutif. On pensait que peut-être avec cette fraude massive, le pouvoir allait sauver les apparences. Il n'en est rien. Nos députés ont quand même la volonté et la compétence pour aborder les vrais problèmes des citoyens. Il y aura beaucoup de questions orales et écrites posées au gouvernement et de demandes de création de commissions d'enquête. Des alliances seront contractées avec d'autres groupes parlementaires en fonction des projets de loi et des commissions d'enquête." La séance de l'après-midi, qui devait commencer par la déclaration des candidatures, s'est vite transformée en une plénière de plébiscite en faveur du candidat du FLN. Tour à tour, le RND, TAJ, le parti El-Moustaqbel, le MPA et quelques députés indépendants ont apporté leur appui au candidat qu'ils préfèrent nommer "moudjahid Bouhadja". Ils sont interrompus par le député Lakhdar Benkhellaf. L'élu de l'Alliance Ennahda-Bina-Adala a remis les pendules à l'heure en faisant remarquer qu'"en sa qualité de candidat, Bouhadja ne doit plus présider la plénière". Ramdane Taâzibt est intervenu aussi pour rappeler que les groupes parlementaires, réunis il y a quelques jours, ont convenu qu'en cas de présentation d'un tel scénario, l'un des plus jeunes parlementaires présidera la séance. Visiblement très gêné par ces remarques, Saïd Bouhadja a évoqué un vide juridique en la matière. Sans résistance, néanmoins, il a cédé sa place à Touhami Habibi. En effet, le règlement intérieur de l'APN est muet sur la question. Sans doute parce que jamais dans l'histoire de l'APN, le doyen des députés n'a été le candidat coopté à la présidence de l'institution. Finalement, l'opposition, même minoritaire, est parvenue à imposer un vote à bulletins secrets. Dans l'urgence, le dispositif de l'élection est mis en place. L'issue de l'opération est sans surprise. Saïd Bouhadja remporte la majorité des voix de ses pairs et prend officiellement le statut de troisième personnage de l'Etat. Le FFS qui n'a pas présenté son candidat, s'est abstenu de voter. Dans une déclaration à la presse dans les couloirs du palais parlementaire, Louisa Hanoune a soutenu que les résultats attribués à son parti au scrutin législatif ne correspondent pas à son ancrage réel dans la société. "C'est une vengeance par rapport à notre combat au niveau de l'Assemblée, notre soutien aux syndicats et pour avoir dit la vérité au peuple. Le PT est en contact avec d'autres partis pour faire face au diktat de la majorité." Cet élan résistera-t-il longtemps devant la solidarité à toute épreuve entre le FLN et le RND, soutenus par d'autres partis dont TAJ et le MPA ? Tout l'enjeu est là. Nissa Hammadi