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An I de Bouteflika
Il avait été réélu le 8 avril 2004 pour un second mandat
Publié dans Liberté le 07 - 04 - 2005

Réélu avec un score de maréchal à peine contesté, Bouteflika se retrouve dépositaire de tous les pouvoirs et a capté les allégeances politiques les plus erratiques.
En 1999, Bouteflika était brocardé par ses détracteurs comme le candidat de “droit divin”. Qu'importe le dieu visé, du moment que le candidat était sûr de sa victoire ! Et quelle que soit la dose d'ironie contenue dans la critique, il faut en définitive croire qu'une fois élu, le candidat a bien été servi par la providence.
Plus volontiers porté sur le fatalisme que l'humilité, il a reconnu avoir bénéficié d'une certaine chance. C'est un facteur à prendre en compte, disait-il, lors de la dernière campagne électorale. Une manière bien à lui de signifier que l'ironie de ses détracteurs n'était pas si mal inspirée. Favorable lors de son premier mandat, la conjoncture l'est encore plus et sur tous les plans depuis sa réélection.
Au point de laisser croire à une malédiction dont auraient pâti ses prédécesseurs. Si Liamine Zeroual avait dû composer avec un baril de pétrole à neuf dollars couvrant à peine le coût de son exploitation, Bouteflika a vu son prix voler de record en record.
En cessation de paiement et contraint d'avaler la potion amère du FMI sous Zeroual, le pays sort progressivement de son endettement avec en prime des réserves de change qui font rêver depuis l'arrivée de Bouteflika. Par ailleurs, quasiment mise au ban des nations en raison d'une lutte implacable contre le terrorisme, l'Algérie est presque devenue une fiancée courtisée après le 11 septembre. Ce qui était présenté comme des violations massives des droits de l'Homme était subitement devenu un capital et une expérience que la communauté internationale se devait d'examiner pour apprendre à combattre les réseaux tissés par Ben Laden.
L'Algérie avait affronté le terrorisme dans la solitude et avec le sentiment de honte. Le fléau est devenu une cause internationale. Quand Bouteflika fut élu ! Dès lors, la lutte pouvait se poursuivre. Sans risque de remontrance. Et même s'il a fallu la coupler avec une politique de concorde civile inopportunément décidée avant le 11 septembre. Tout ne pouvait pas être programmé quand même ! Sevré de paroles pendant 20 ans, Bouteflika pouvait savourer sa revanche. Sur l'Histoire et sur ses ennemis. Anciens et nouveaux.
Le tout sous la lumière des médias internationaux que l'ancien chef de la diplomatie a su faire briller de nouveau. Usant de sa patte de velours ou de ses coups de griffe, il a épuisé son premier mandat à bâtir des équilibres politiques lui permettant de reconquérir les parcelles de pouvoir cédées par ses prédécesseurs. Réélu avec un score de maréchal à peine contesté, Bouteflika se retrouve dépositaire de tous les pouvoirs et a capté les allégeances politiques les plus erratiques. Après avoir neutralisé ses adversaires à l'intérieur du “système”, le Président semble avoir obtenu le renoncement de l'opposition. Normalisation musclée ?
L'intention lui est prêtée et les signes ne manquent pas : harcèlement de la presse indépendante et verrouillage de plus en plus sévère des médias publics, tentative de mise au pas des syndicats autonomes, judiciarisation de la contestation sociale avec la multiplication des procès contre les manifestants et fermeture des espaces publics devant les partis politiques. S'ils ne réagissent pas avec une vigueur certaine, ces derniers risquent de traverser un long chemin de croix face à un chef de l'Etat qui n'a jamais tu ses critiques contre la démocratie enfantée dans la douleur d'Octobre 1988.
Désormais plus dure, la mission est aussi plus exaltante puisqu'elle ne se résume plus à revendiquer un partage des postes de responsabilité. Sans ce combat, la population traumatisée par une violence qui n'a pas encore rendu son dernier souffle risque de se laisser berner par la promesse d'un paradis sans opposition supposée source de discorde. À son secours, Bouteflika pourra appeler un bilan certainement pas calamiteux, dussent les facteurs exogènes y avoir largement contribué. Avec la sécurité revenue, l'économie s'est mécaniquement mise en mouvement.
De l'avis même des experts internationaux, la croissance est de retour et le chômage en baisse. La dynamique est appelée à se poursuivre avec la relance de chantiers longtemps abandonnés.
Le rythme de ces avancées soulève quand même des questions. La privatisation semble avoir été énoncée comme un principe contredit par la réalité. La réforme bancaire, clé de voûte de la libéralisation de l'économie, est toujours attendue. C'est à sa réalisation que sera mesurée la détermination du président de la République à transformer l'économie et à lutter contre la corruption. Lancera-t-il ce chantier après ceux de l'éducation, de la justice, de l'administration et du code de la famille conduits avec des résultats mitigés ? En tout cas, plus personne ne parle de “lignes rouges” ou de “mains liées”. C'est toute la différence avec le premier mandat. Bouteflika est indiscutablement plus serein.
Sa communication en est la parfaite illustration. Avec une parole devenue plus rare. Et plus apaisée.
Y. K.


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