“Un président qui n'obtient pas la majorité absolue ne peut être un président.” Il l'a voulu, il l'a obtenu. Le président Abdelaziz Bouteflika, qui vient d'être réélu pour la troisième fois avec un score qui ressemble à celui obtenu par des “souverains” de certaines “républiques”, comme la Tunisie voisine, obtient ainsi un score qui lui permet, aux yeux de l'opinion nationale mais aussi internationale, “d'approfondir”, pour reprendre un vocable de son directeur de campagne, certains de ses projets. En décodé : cela pourrait justifier amplement la mise sur les rails du projet de l'amnistie générale qu'il a révélé au cours de sa campagne. Ce score qui ne manquera pas, sans doute, de faire jaser, au regard du peu d'empressement des électeurs constaté dans de nombreux bureaux de vote, du moins à se fier aux comptes rendus des journalistes de la presse privée, est accompagné d'un taux de participation qui n'est pas loin de celui… de 1995. Pourtant, le contexte d'aujourd'hui est aux antipodes de celui qui avait prévalu à l'époque pour élire le président Zeroual. En proie à une violence inouïe, l'Algérie de 1995, dans un sursaut de défense, avait décidé d'opter pour un militaire avec tout ce que cela suppose, dans l'inconscient collectif, comme rempart contre le terrorisme barbare. Beaucoup se souviennent encore de ces images des longues files d'attente de nos immigrés devant les bureaux de vote. Un réflexe patriotique qui n'avait pas manqué de déteindre sur les électeurs locaux. Pour l'élection du 9 avril, il n'y avait pas à vrai dire d'enjeu, hormis celui de la participation. D'où la fébrilité et le matraquage des autorités pour contraindre les électeurs à se rendre en masse aux urnes. Il faut dire que la désaffection populaire qui a marqué les législatives et les communales en 2007 hantent les autorités. Dès lors, les partisans du Président plaident la continuité, arguant que c'est un gage de stabilité, de paix et de relance économique. Ses détracteurs lui reprochent son tropisme bonapartiste, notamment après la révision par un Parlement mal élu d'une révision qui sautait le verrou d'une limitation de mandats, l'un des rares acquis de l'ouverture démocratique. Résultats ? Du côté officiel, l'élection a été “démocratique”, “transparente” et la participation fut “massive”. Du côté des boycotteurs, comme des candidats recalés, il y a eu “fraude” et… désenchantement de la population. Qui dit vrai ? En tout cas, la participation, à se fier aux résultats officiels, a été meilleure que celle de l'élection de 2004 où l'engouement était pourtant plus important au regard de la qualité des candidats qui avaient pris part à l'élection, mais aussi aux garanties de “transparence” et de neutralité données par la “grande muette”. Il est plus important, par une marge toute relative, que celui de 1999 qui avait vu le retrait des six candidats concurrents à la veille du scrutin en raison, avait accusé à l'époque l'historique Hocine Aït Ahmed ou encore Mouloud Hamrouche, du parti pris de l'institution militaire en faveur du candidat du “consensus”. Bouteflika qui avait entamé son règne par un déficit de légitimité vient d'atteindre après dix ans à la tête de l'Etat un score qui se rapproche des 100% en dépit d'un bilan qui, défendu par ses partisans mais largement contesté par ses adversaires, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il est loin de faire le consensus. Une seule image restera d'ailleurs collée à son règne : le désespoir des harragas. Mais une constante, cependant, depuis le début des élections pluralistes : à chaque fois, c'est le candidat au pouvoir qui est… élu. Election du 16 novembre 1995 Nombre d'électeurs inscrits : 15 969 904 Nombre de votants : 12 087 281 (75,69%) Voix exprimées : 11 619 532 Majorité absolue 5 809 767 Candidats : Liamine Zeroual, Saïd Sadi, Mahfoud Nahnah et Noureddine Boukrouh Vainqueur : Le général Liamine Zeroual avec 7 088 618 (44,39%) Election du 15 avril 1999 Nombre d'électeurs inscrits : 17 488 759 Nombre de votants : 10 652 623 (60,9%) Voix exprimées : 10 093 611 Majorité absolue : 5 046 807 Candidats : Hocine Aït Ahmed, Abdelaziz Bouteflika, Mouloud Hamrouche, Youcef Khatib, Saâd Djaballah Abdallah, Mokdad Sifi et Ahmed Taleb Ibrahimi Après le retrait des six la veille du scrutin, Bouteflika est élu par 7 445 045 de voix (42,57%). Election du 8 avril 2004 Nombre d'électeurs inscrits : 18 094 555 Nombre de votants : 10 508 777 Voix exprimées : 10 179 702 (58,08%) Bulletins nuls : 329 075 Vainqueur : Bouteflika avec 8 651 723 soit 84,79%. Karim Kebir