Liberté : Vous avez cosigné l'appel adressé au président Emmanuel Macron sur l'Affaire Maurice Audin. Une réponse est-elle probable de sa part ? Henri Pouillot : J'ai envoyé personnellement ce courrier mais, à ce jour, nous n'avons pas encore de réponse. Je ne sais pas si nous devons être optimistes ou pessimistes car Emmanuel Macron ne semble pas bien connaître les questions en lien avec la guerre d'Algérie. C'est vrai qu'il a évoqué l'idée que le colonialisme est un crime contre l'humanité. Mais en même temps il a parlé du mérite de colons qui ont participé à apporter la civilisation et les progrès sociaux en Algérie. Il a aussi exhumé la phrase de de Gaulle "Je vous ai compris" pour rassurer les anciens pieds-noirs durant sa campagne électorale. Henri Pouillot : Pourquoi lui avoir alors adressé cette lettre si vous pensez que son discours sur la guerre d'Algérie est ambigu ? Parce que nous voulons absolument savoir comment Maurice Audin a disparu. François Hollande avait reconnu que ce dernier ne s'est pas évadé mais est mort en détention. Il ne pouvait faire cette affirmation que sur la base de témoignages nombreux concordants qu'on a besoin de connaître dans le détail. Il est important par exemple de savoir si la sépulture située près d'Alger, évoquée par un témoin, est bien celle de Maurice Audin. On doit aussi savoir si les propos du général Aussaresses et du colonel Godard, impliqués directement dans l'assassinat, seront confirmés. À votre avis, pour quelle raison le président Hollande n'a pas révélé l'identité des témoignages en lien avec cette affaire ? Il y a dans le passé franco-algérien des choses cachées que personne ne tient à révéler. La France ne veut pas reconnaître la responsabilité de son armée dans l'assassinat de MauriceAudin parce qu'il y a des militaires encore en vie et qui, sans être directement responsables, savent ce qui s'est passé et ne veulent pas mettre en cause publiquement leurs collègues de l'époque. Vous pensez donc qu'on ne connaîtra officiellement jamais les circonstances de l'assassinant de Maurice Audin? Je pense que si, parce que les moyens d'investigation ont évolué. L'histoire met parfois du temps à rendre ses sources mais un jour ou l'autre on finira par connaître la vérité. Les documents évoqués par Hollande doivent être consignés quelque part. Le problème est qu'actuellement, la veuve et les enfants de Maurice Audin ne savent toujours pas comment il a été décimé. Son fils Christian est mort sans avoir eu la possibilité de connaître la vérité. Son épouse Josette n'est plus toute jeune. Je ne sais pas combien de temps ils mettront à révéler officiellement la façon selon laquelle Maurice Audin est décédé. Emmanuel Macron pourrait être présent à la cérémonie de dépôt de gerbe de fleurs le 10 juin à la place Maurice-Audin à Paris. Pensez-vous qu'il viendra ? Nous avons un petit espoir qu'il soit là. Parmi les signataires de l'appel que nous lui avons adressé figure le mathématicien Cedric Villani qui est candidat aux législatives de la République en marche (REM), président du jury du prix Maurice-Audin et un proche d'Emmanuel Macron. C'est lui qui l'a conseillé durant son voyage à Alger en février dernier. Personnellement que représente pour vous l'affaire Audin ? L'affaire Maurice Audin est un sujet sensible pour moi. D'une part, il me replonge dans le souvenir de la villa Susini (lieu de torture) où j'avais été affecté comme soldat à la fin de la guerre d'Algérie. Il fait partie d'autre part de ma vie aujourd'hui. Je suis au troisième procès avec Maurice Schmidt (ancien chef d'état-major de l'armée française sous la présidence Mitterrand et officier des renseignements durant la guerre d'Algérie) sur ce dossier. J'avais écrit une lettre en 2014 à Pierre De Villers, actuel chef d'état-major, pour lui dire que des militaires encore vivants comme Schmidt devaient savoir comment Maurice Audin est mort. Schmidt m'a attaqué en diffamation et je suis en cassation actuellement. Propos recueillis par: Samia lokmane-khelil