Josette Audin estime que plus le temps passe, plus il sera difficile de reconstituer les faits. D'après elle, les responsables impliqués dans l'assassinat n'ont pas laissé de traces. Josette Audin a vu son mari pour la dernière fois, le 11 juin 1957, lorsque des parachutistes de l'armée française chargés des opérations de maintien de l'ordre pendant la bataille d'Alger, ont débarqué dans leur domicile à Alger pour l'arrêter. Depuis, elle ne cesse de réclamer la vérité sur le sort qui lui a été infligé. En soixante ans, la veuve du mathématicien a frappé a toutes le portes pour pouvoir éclaircir les circonstances de sa mort. Sans succès. "On ne saura jamais ce qui s'est vraiment passé. Plus le temps passe, plus il sera difficile de reconstituer les faits car les personnes qui étaient présentes à ce moment-là n'ont pas laissé de trace manuscrite. Et comme elles sont mortes, elles ne peuvent plus parler", regrette Mme Audin. Avouant avoir perdu depuis longtemps l'espoir d'accéder à la vérité, elle estime que tout a été entrepris afin que le flou subsiste autour de cette affaire. "Tout le monde s'est arrangé pour bien cacher la vérité. Il ne sert à rien de chercher des traces écrites sur ce qui s'est passé car il n'y en a pas. Ils n'ont pas été assez idiots pour aller mettre sur papier ce qu'ils avaient fait", observe la veuve de Maurice Audin. En 2012, elle avait pourtant écrit une lettre à l'ex-président François Hollande lui demandant de permettre aux historiens de consulter les archives de toutes les personnalités civiles et militaires en charge des opérations de maintien de l'ordre pendant la guerre d'Algérie afin de reconstituer les faits concernant la mort de son époux. "Comme beaucoup d'autres Algériens, Maurice était engagé dans la lutte pour la libération de l'Algérie. Comme beaucoup d'autres Algériens, il a été arrêté par les parachutistes français responsables du ‘maintien de l'ordre'. C'était le 11 juin 1957, pendant la bataille d'Alger. Comme beaucoup d'autres Algériens, il a été atrocement torturé, torturé jusqu'à la mort. Comme pour beaucoup d'autres Algériens, les militaires français responsables de son assassinat ont prétendu qu'il s'était évadé au cours d'un transfert. Les autorités civiles, militaires, juridiques, françaises s'en sont toujours tenues à cette thèse. Pourtant, des historiens, dont Pierre Vidal-Naquet, ont établi que mon mari était mort sous la torture", avait-elle rappelé dans sa missive. En 2014, l'ancien locataire du palais de l'Elysée confirme que Marice Audin ne s'est pas évadé et qu'il est bel et bien décédé en détention. Pour autant François Hollande se retient de rendre publics les documents et les témoignages qui attestent les faits. "Il ne m'a rien dit de nouveau et de précis", affirme Josette Audin. La vieille dame qui est âgée aujourd'hui de 84 ans est soutenue dans son combat par de nombreux historiens et intellectuels qui réclament à leur tour des autorités françaises de lever le secret sur les circonstances de l'assassinat du mathématicien dont le corps n'a jamais été retrouvé. Le dernier appel publié fin mai provient d'une quarantaine de personnalités dont le sociologue Edgar Morin, les écrivains Mathias Enard et Jérôme Ferrari, l'ancien ministre Pierre Joxe, l'avocat Jean-Pierre Mignard, les historiens Gilles Manceron et Benjamin Stora, le mathématicien Cédric Villani, candidat REM dans l'Essonne ainsi que des journalistes comme Edwy Plenel, directeur de Mediapart et Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit. Ils demandent au nouveau président Macron de publier les documents dont son prédécesseur a parlé. Avant d'être élu président, Macron s'est engagé "à prendre des actes forts" concernant la guerre d'Algérie. Il avait d'ailleurs rencontré Josette Audin et a prévu de prendre part à une des manifestations organisées cette année à l'occasion du soixantième anniversaire de la disparition du mathématicien. Celle-ci aura lieu samedi. Elle se résumera au dépôt d'une gerbe de fleurs à la place Maurice-Audin dans le 15e arrondissement de Paris. Hier soir, la mairie du 2e arrondissement a abrité un colloque accompagné de la projection du film documentaire Maurice Audin, la disparition, de François Demerliac, suivi d'un débat. De Paris: Samia lokmane-khelil