Cette organisation a publié, le 24 mai dernier, une étude qui part de l'hypothèse d'un revenu universel versé sans conditions à toute personne en dessous de l'âge légal de la retraite. Les résultats ne sont pas toujours ce qui pourrait être empiriquement attendu. Dans cette rubrique, nous n'avons pas souvent traité de l'empreinte sociale des actions des agents économiques et, sauf à quelques rares occasions, de l'économie responsable ou de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). C'est souvent à cause des impératifs de l'actualité. Dans cet article nous allons revenir sur un débat ouvert par le collectif Nabni mais qui n'a pas suscité beaucoup d'écrits ou de réactions, celui de l'instauration d'un revenu universel. Ce peu d'"engouement" pourrait s'expliquer par la conjoncture économique incertaine que traverse le pays et peut-être aussi à cause du fait qu'il a été introduit un peu dans le sillage de la campagne électorale des la présidentielle française (c'est une proposition phare du candidat du Parti socialiste) dont bon nombre de nos concitoyens suivent les péripéties. C'est donc probablement aussi un problème de timing. Il se trouve que l'Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) s'intéresse aux retombées d'un tel dispositif sur la société en général et à l'évolution du degré de pauvreté notamment. Elle a publié une étude le 24 mai qui part de l'hypothèse d'un revenu universel versé sans conditions à toute personne en dessous de l'âge légal de la retraite. Les résultats ne sont pas toujours ce qui pourrait être empiriquement attendu. Retour sur une "utopie" L'idée n'est pas nouvelle. Avant d'atterrir dans la tête d'économistes, elle fut l'œuvre du philosophe anglais Thomas More (1478-1535). Il considérait que si les hommes ont des devoirs envers la société, cette dernière doit aussi en avoir vis-à-vis d'eux. Le premier de ces devoirs est d'assurer les conditions de leur survie. Traditionnellement défendue à gauche, paradoxalement, elle a été reprise, sous des formes certes différentes, par les courants de pensée aussi bien marxistes que libéraux. Karl Marx, dans son Introduction générale à la critique de l'économie politique, en 1857, évoque un "revenu socialisé". De son côté, en 1962, l'économiste américain Milton Friedman s'est penché sur "un impôt négatif" qui permettrait aux pauvres de bénéficier d'un crédit d'impôt qui leur serait reversé (Capitalisme et Liberté). Hormis le Koweït qui a expérimenté en 2012 un tel dispositif pendant 14 mois (uniquement pour les Koweitiens), il n'existe que des tentatives partielles sans compter que l'expérience de ce pays du Golfe est adossée à la rente pétrolière et non à la création de richesse durables, ce qui l'exclut d'un modèle soutenable. L'idée revient au goût du jour pour deux raisons quelque peu interdépendantes : le regain du chômage des années 80 et l'apparition de l'économie collaborative (uberisation-travail indépendant) qui ne garantit pas la même couverture sociale que permet jusque-là le salariat (retraite, accès aux caisses de chômage...). En Finlande, le gouvernement de centre droit envisage pour 2017 de verser à chaque citoyen un revenu de base de 800 euros (calcul de la sécurité sociale), sans considération de richesse ni d'âge. En contrepartie, toutes les prestations sociales seront supprimées. Depuis janvier 2017, un groupe pilote constitué de 2 000 demandeurs d'emploi, bénéficiaires par ailleurs d'une allocation chômage, perçoivent chaque mois 560 euros en supplément. Aux Pays-Bas, 30 villes envisagent de l'expérimenter. À Utrecht (quatrième ville du pays), 300 citoyens sans emploi reçoivent 900 euros par mois depuis le 1er janvier 2017. En Suisse des militants du revenu de base inconditionnel, regroupés dans une association (rbi-oui-ch), mènent une campagne pour la tenue d'un référendum d'initiative populaire sur cette question. L'OCDE reste sceptique Dans l'étude rendue publique mercredi 24 mai (oecd.org/fr/emploi/emp/Le-revenu-de-base-que-changerait-il-2017.pdf), l'OCDE suppose que le revenu universel est versé sans condition à toute personne en dessous de l'âge légal de la retraite. Le montant est fonction du niveau du revenu minimum garanti (Finlande 527 euros (adulte) 316 euros (enfant) 1 074 euros (seuil de pauvreté), France 456 euros (adulte) 100 euros (enfant) 909 euros (seuil de pauvreté), Italie 158 euros (adulte) 158 euros (enfant) 737 euros (seuil de pauvreté)). L'étude montre que ce revenu de base n'aurait pas d'impact significatif sur la réduction de la pauvreté. En Italie et en France par exemple, le taux de pauvreté serait plus élevé qu'avec le système actuel. Les ménages aux faibles revenus bénéficiant actuellement d'une prestation seraient les grands perdants d'une telle réforme. "Etant donné la relativement bonne couverture dont bénéficient les ménages pauvres, les gains nets tirés d'un revenu de base ne seraient pas suffisamment fréquents pour réduire le nombre total de personnes pauvres... ". "Si 2% des personnes sortiraient effectivement de la pauvreté, elles seraient de l'autre côté 5% à y basculer". Reste le coût d'un tel système (financement). Pour respecter l'équilibre budgétaire il faut d'une part la réduction des prestations existantes (chômage, RSA, allocations familiales...) et, d'autre part, il y a un alourdissement de la fiscalité. En conclusion l'étude estime que "la mise en place d'un revenu universel serait donc financièrement possible. Reste à voir ses conséquences sur les populations, notamment les plus fragiles". Qu'en est-il ailleurs ? Les Objectifs de développement durable (ODD) sont un appel mondial à agir pour éradiquer la pauvreté, protéger la Planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité. Un ordre plus juste à l'échelle mondiale n'a de sens que si dans chaque pays, en particulier les plus pauvres, la gouvernance permet une redistribution plus équitable, une protection sociale, la préservation des ressources naturelles et le respect de l'environnement. Une des conclusions de l'étude de l'OCDE est l'encouragement à l'expérimentation de l'idée du revenu de base pour des catégories ciblées de populations. On sait que de tels dispositifs ont été développés en direction de communautés (Unicef en Inde, Sénégal...) pour protéger de la surexploitation des espèces animales ou végétales constitutifs d'écosystèmes indispensables à la vie. Rien n'interdit de penser à l'élargissement ou l'instauration de ce mécanisme. Par contre, la transparence, la "vérité des prix", le rétablissement de l'impôt comme l'outil essentiel de la construction du budget sont parmi les prérequis. Il n'y a pas de voie royale pour la sortie d'une économie rentière qui épuise les ressources naturelles non renouvelables, il n'y a que la volonté politique suivie de décisions adoptées par le plus grand nombre. R. S.