Le traitement de la crise financière ne prédomine pas dans le document de près de 60 pages, alors que ses remèdes devraient constituer la substance du texte. Le plan d'action du gouvernement s'assimile à la montagne qui accouche d'une souris. En effet, à la lecture des 58 pages du document, on constate que le gouvernement Tebboune est tombé dans les travers des précédents gouvernements. Généralités, absence d'objectifs chiffrés, pas de précisions sur les moyens financiers adossés à la mise en œuvre des principales mesures contenues dans le texte, omission de remèdes adéquats à la résorption de la crise financière. "C'est une compilation de mesures présentées par chaque ministère sans qu'une réflexion soit engagée à la Présidence ou au Premier ministère pour mettre en cohérence globale ces actions dans le sens d'une réponse efficace à la crise financière qui secoue le pays", commente un économiste. Le traitement de la crise financière qui permet d'atténuer la cure d'austérité annoncée se résume dans le document à quelques pages, alors qu'elle devrait occuper la place centrale ou prédominer dans le plan d'action. "Le gouvernement est en déphasage par rapport aux réalités", commente un autre économiste. Retenons le passage sur le ciblage des citoyens à revenus modestes. Le document en parle, mais ne fixe aucun échéancier en matière de mise en place de ce mécanisme. "On en parle depuis deux ans, mais le chantier n'a pas véritablement démarré", confie une source proche du ministère des Finances. Le document se contente d'annoncer une concertation prochaine impliquant la société civile, les partis politiques et le Parlement sur le sujet et le réajustement tarifaire préservant les revenus des consommateurs à faibles revenus. Sans précisions sur les produits ou services qui connaitront une hausse de leurs tarifs. Ce mécanisme de ciblage, rappelons-le, une fois institué, permettra de supprimer progressivement les subventions sur le lait, le pain et les carburants, assimilable à la libération de leurs prix. Ce qui veut dire que les prix de ces produits seront plus chers. En compensation : les ménages à bas revenus bénéficieront d'allocations monétaires, c'est-à-dire directement de l'argent de l'Etat pour faire face à ces dépenses supplémentaires. Allusion au recours à la finance islamique Si ce mécanisme est ficelé dans quelques mois, voire la fin de l'année, on peut s'attendre à ce que les prix de ces produits subventionnés soient plus chers à la faveur de la loi de finances 2018 qui annoncerait une cure d'austérité plus sévère. Le plan ne prévoit pas de nouveaux impôts pour renflouer les caisses de l'Etat, à l'exception de la fiscalisation des opérations du commerce électronique, la révision des bases d'imposition de l'import sur le patrimoine. Pas de forte taxation des produits de luxe comme l'a arrêté un pays comme l'Arabie saoudite, ni nouvel impôt immobilier, notamment sur le foncier immobilier ou industriel non utilisé. Pour renflouer les caisses de l'Etat, le document fait, néanmoins, allusion au recours à la finance islamique. "La diversification de l'offre de financement à travers le développement de produits financiers alternatifs par la mise en place de guichets dédiés à la finance participative au niveau des banques publiques ; la mise en place d'un cadre légal aux émissions de titres souverains de financement de type participatif." Cela veut dire, explique un économiste, le recours aux produits bancaires islamiques, comme la "mourabaha", et à l'emprunt obligataire islamique, le "sukuk". Ce chantier n'est pas nouveau. Le précédent ministre des Finances, Baba Ammi, avait engagé plusieurs mois auparavant les travaux d'élaboration d'un dispositif réglementaire encadrant la finance islamique. Cette épargne de citoyens, qui refusent pour des motifs religieux de placer leur argent dans les banques ou dans tout emprunt public, est considérée comme importante. Le gouvernement semble vouloir la mobiliser, mais ne fixe aucune échéance pour la mise en œuvre de ces mesures. Mais là, l'efficacité de cette mesure bute sur un problème de confiance. Ces épargnants feront-ils confiance au système bancaire public et au système financier actuel ? Enfin, le gouvernement Tebboune ne renonce pas à la politique du logement, de la santé, de l'enseignement, des ressources en eau, en contexte de manque de ressources financières. En l'occurrence, "pour assurer la prise en charge de l'ensemble de la demande (de logements) enregistrée, les efforts engagés... seront orientés pour l'achèvement à la fin de l'année 2019 de 1 600 000 logements publics en cours de réalisation". Aucune mention aux objectifs chiffrés annuels ni aux moyens financiers adossés. "Le gouvernement entend atteindre l'objectif fixé par le programme présidentiel de développement 2014-2019, afin de juguler la crise du logement à l'horizon 2018-2019", ajoute le texte. Un pari intenable si les prix du baril de pétrole sont sous les 50 dollars et si des solutions plus adéquates ne sont pas prises pour renflouer les caisses de l'Etat. K. Remouche