La commission se dit "préoccupée de la situation des défenseurs des droits de l'Homme en Algérie qui ont eu des démêlés avec les autorités judiciaires". La situation des droits de l'Homme a, certes, connu un saut qualitatif en Algérie, mais elle inquiète toujours les observateurs et les défenseurs des droits fondamentaux. En effet, dans son rapport de l'année 2016, dont Liberté détient une copie, la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH) a dressé un constat peu reluisant concernant la protection des défenseurs des droits de l'Homme en Algérie. Cette instance a estimé que "leur situation en Algérie est partagée entre ceux qui se plaisent à la qualifier de positive et d'autres qui persistent à condamner l'Etat d'être derrière le rétrécissement de leurs champs d'action". "Certaines bavures d'agents de l'Etat, commises à l'occasion de leurs missions dont les conséquences sont néfastes, bafouent et laminent les efforts consentis par l'Etat en matière de prééminence de la loi et seulement de la loi", déplore la commission qui s'en prend, ainsi, de manière directe, aux autorités judiciaires. La CNCPPDH se dit, d'ailleurs, "préoccupée par la situation des défenseurs des droits de l'Homme en Algérie qui ont eu des démêlés avec les autorités judiciaires". Elle assure avoir "systématiquement" saisi les institutions concernées aux fins de les sensibiliser sur cette question qui relève, dans la majorité des cas, des libertés d'expression et de la presse (écrite, audiovisuelle et sur les réseaux sociaux d'information). "La Commission nationale a toujours rappelé le principe de la non-sanction d'un délit de presse par une peine privative de liberté, prévu notamment par l'article 50 in fine de la Constitution." Et à la CNCPPDH de justifier son attitude : "C'est pourquoi, il s'est avéré utile de ne pas présenter les aspects positifs concernant la situation des défenseurs des droits de l'Homme, mais de présenter les aspects négatifs à travers certains cas de défenseurs des droits de l'Homme qui ont vu leurs droits bafoués." Idem pour la situation socioéconomique, la CNCPPDH a indiqué avoir relevé des disparités régionales flagrantes entre le Nord et le Sud en matière d'emploi et de cadre de vie, et a indiqué avoir formulé des propositions appropriées, d'autant que ces disparités constituent la source principale du malaise social en Algérie. En matière de requêtes, la CNCPPDH a révélé avoir traité 21 332 dossiers, dont 8 115 requêtes traitées par le service de médiation et 13 217 par le service de la protection. Selon ce document, seulement 3 322 requêtes ont été traitées par les organismes concernés, soit un taux approximatif de réponse de 16%. Rien qu'en 2016, la CNCPPDH a traité 1 817 requêtes liées à la justice, aux enfants, à la santé et à la Sécurité sociale, à l'éducation nationale, aux étrangers et aux réfugiés, aux handicapés, au logement, aux décès suspects, à l'emploi, aux aides sociales aux familles des terroristes, aux moudjahidine, etc. Ces saisines envoyées à la présidence de la République, à la DGSN, aux ministères de l'Intérieur, de la Justice et autres département ministériels concernés par les requêtes des citoyens lésés dans leurs droits n'ont pas eu un impact positif sur la situation des droits de l'Homme, encore moins sur l'efficacité des outils mis en place "du fait de la léthargie des structures en charge de décider sur l'objet de la requête". Quid des droits économiques ? La CNCPPDH a également relevé qu'"au final, pour la deuxième année du quinquennat 2015-2019, l'Algérie se retrouve avec des marges de manœuvre réduites en l'absence d'un outil de management économique efficace puisque les pouvoirs publics ont continué à privilégier des colmatages et des solutions conjoncturelles au lieu de favoriser des stratégies à long terme". Citant les rapports alarmants des organisations patronales et des associations de consommateurs, cette instance a affirmé que les distorsions sociales risquent de s'aggraver, relevant que "les riches se font subventionner avec les pauvres par le produit des taxes dont ils font supporter une grande partie du poids aux pauvres. Ce système, s'il venait à perdurer, lance un avertissement d'explosion sociale, auquel les pouvoirs publics n'échapperont pas, quel que soit le chemin emprunté". Il s'agit alors de lancer, dans l'urgence, un fichier national des familles nécessiteuses pour répartir judicieusement les subventions de l'Etat. Citant des analystes, la commission présidentielle a également indiqué que 50% des salariés perçoivent moins de 25 000 DA/mois et consacrent 80% de leurs salaires aux produits de première nécessité qui connaissent une hausse vertigineuses dans leurs prix. 2016, année charnière pour les droits de l'Homme Relevant que "ce rapport annuel a coïncidé avec la révision de la Constitution" pour parachever l'édification institutionnelle, renforcer les libertés fondamentales des citoyens et consacrer l'Etat de droit, la CNCPPDH a affirmé que "l'année 2016 constitue une année charnière pour les droits de l'Homme en Algérie". Une année qui a vu la constitutionnalisation de la Commission nationale placée sous l'égide du chef de l'Etat conformément à l'article 198 de la loi fondamentale. Pourtant, ce ne sont guère les bilans accablants qui manquaient, et ce, même si la CNCPPDH considère que "ces rapports se suivent et se ressemblent", comme ils sont basés, souvent, sur des informations erronées. Ainsi, et au plan de la promotion des droits de l'Homme, la CNCPPDH a reçu 195 délégations étrangères, dont des organismes non gouvernementaux (ONG) en 2016 et les acteurs de la société civile, comme elle a encouragé les pouvoirs publics à ratifier l'ensemble des conventions régionales et internationales pour être "au diapason des évolutions opérées dans le monde", lit-on dans ce document de 206 pages. Ainsi, la CNCPPDH s'est notamment investie dans les actions de sensibilisation en milieu scolaire et universitaire à travers des activités de communication et de partage d'expériences pour ancrer la culture des droits de l'Homme. Au plan de la protection des droits de l'Homme, cette instance a indiqué avoir contribué à améliorer l'arsenal juridique traitant des droits civils et politiques, notamment le code de procédure pénal, le code de procédure civile, les amendements relatifs à la presse, à l'information, aux élections, à la liberté d'expression, au droit à la liberté de réunion et d'association, mais aussi aux lois de la prévention et de la lutte contre la corruption. La CNCPPDH a également encouragé les institutions à ratifier des conventions et des protocoles internationaux liés à la torture, aux disparitions forcées et aux violences à l'égard des femmes. En outre, et considérant que "la réconciliation nationale est un modèle de justice transitionnelle post-conflit", la CNCPPDH a formulé des recommandations pour faciliter l'exécution des dispositions consacrées aux victimes de la tragédie nationale (disparus), l'aide de l'Etat aux familles "démunies" éprouvées par l'implication de l'un de leurs proches dans le terrorisme et la réintégration oui l'indemnisation des personnes ayant fait l'objet de mesures administratives de licenciement pour des faits liés à la tragédie nationale. Par ailleurs, la CNCPPDH a visité 34 établissements pénitenciers et a envoyé un rapport détaillé au chef de l'Etat et au ministère de la Justice pour améliorer les conditions de détention. Idem pour la peine de mort, la CNCPPDH a indiqué avoir organisé 4 rencontres internationales avec l'ONU, des ONG et des institutions engagées contre la peine de mort, d'autant que cette instance n'a pas cessé, selon le même rapport, de "sensibiliser les hautes autorités du pays" sur la réforme du système judiciaire, notamment l'indépendance des magistrats. FARID BELGACEM