C'est un constat nettement contrasté qu'a établi la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH) dans son rapport 2013 sur l'état du secteur. Elle affiche ostensiblement une distance critique à l'égard de la problématique des droits humains compris dans leur acception la plus large : politique, socio-économique et médiatique. La commission prévient, d'ailleurs, qu'il est illusoire et contre-productif d'avancer que la situation des droits de l'Homme en Algérie est « reluisante ». Ce serait verser dans « la flagornerie » inutile. Tout comme elle juge que ce serait faire preuve de subjectivisme d'ignorer les avancées enregistrées et les efforts entrepris. C'est un rapport qui invite à une lecture « réelle » des événements que propose la structure présidée par Me Farouk Ksentini. Une analyse des faits qui ne soit pas tronquée, ni dans un sens, ni dans l'autre. Cette approche posée, la commission relève que la démocratie dans notre pays ne s'est pas totalement affranchie de l'influence des vents contraires. « Elle est bridée dans l'exercice et dans l'évolution », écrit la commission qui situe l'enjeu dans le maintien de la cohésion sociale « dans un climat démocratique où tout un chacun peut librement exprimer ses vues, ses aspirations et participer à la vie sociale de manière sereine, équitable et responsable ». De ce point de vue, la question de la séparation des pouvoirs est cruciale dans la configuration d'un Etat de droit. Elle doit tendre à définir clairement le champ de compétence de chacun des trois pouvoirs politique, exécutif et judiciaire. Et promouvoir ainsi un système qui soit moins marqué par la confusion. C'est que, en la matière, la situation, insinue-t-on, laisse à désirer. Pas conforme au schéma escompté. Un nouvel ordre démocratique suppose fondamentalement, outre l'indépendance de la justice, une pratique médiatique libre. Et son pendant, la liberté d'expression. En l'espèce, si la promulgation de la loi sur l'audiovisuel est saluée pour ce qu'elle met un terme à des monopoles en matière de communication audiovisuelle, la CNCPPDH relativise, aussitôt après, son jugement en évoquant la perspective de la désignation des membres de l'autorité de régulation, lesquels devraient être élus pour garantir l'indépendance de l'instance. Plus prosaïquement, la commission épingle, en tant qu'entorses à la liberté de la presse, ce qu'elle pense être le retour des poursuites judiciaires contre les journalistes, la difficulté d'accès à l'information et l'absence de protection des sources d'information et le déficit en moyens. Elle recommande, pour inverser le rapport de force, de protéger davantage le journaliste et l'exercice de la profession. Et de préconiser des aides de nature économique aux entreprises de presse. Il y a matière à redire aussi dans la sensible question de la lutte contre la corruption. Le rapport considère que la loi de 2006 n'est pas suffisamment coercitive. D'où l'appel à sa révision. Symptomatique du malaise social, la commission des droits de l'Homme signale qu'elle a reçu, au cours de l'année 2013, 1983 requêtes de citoyens qui se plaignent des problèmes récurrents de logement, du chômage, des difficultés à se soigner, des entraves administratives, de ce qui peut s'apparenter à un déni de droit... Elles sont aussi le fait de représentations de certaines catégories de la population comme les handicapés. S'estimant vue comme une instance de recours, la CNCPPDH a répercuté ces plaintes sous forme de saisine des administrations compétentes, habilitées à donner une suite à certaines situations objectives. Bref, le rapport de 2013 n'aura pas fait dans la dentelle, en traitant frontalement la dure réalité des droits de l'Homme. Il a valeur d'œuvre utile.