Près de trente films, entre documentaires et fictions, c'est le sacrifice héroique, lors de seconde guerre mondiale, de milliers de Maghrebins, d'Africains et d'Antillais, qui est retracé. Le 15e festival Images d'ailleurs, premier espace de diffusion de films de culture noire à Paris, se déroule cette année du 13 au 19 avril. Au programme, plus d'une trentaine de films, documentaires, fiction et animation confondues, rendant un hommage particulier aux dizaines de milliers de soldats africains, antillais et maghrébins morts pour sauver la France du nazisme, à ces combattants de la liberté que la France a vite oubliés. Ces derniers, qui ont combattu pour la liberté de la France, sont issus, pour la plupart, de l'Afrique noire (Sénégalais, Ivoiriens, Burkinabais…) mais ils sont aussi antillais et maghrébins. Ils étaient incorporés d'office pour combattre aux premières lignes pour la patrie-mère lors des multiples guerres qu'elle a connues. Ils ont contribué à la libération de la France, comme ils aiment bien le faire entendre. Et cela n'est pas rien. En guise de récompense, une fois la guerre terminée, ils ont eu droit à de l'ingratitude et à l'abandon. Pis encore, la patrie libérée les a mitraillés un certain 8 mai 1945 en basse-Kabylie lors d'une manifestation populaire saluant la fin de la grande guerre. Pour revenir au cinéma, la cuvée de cette 15e édition accueille des films “venant de tout horizon”, comme le souligne Sanvi Panou, directeur du festival. Chacun éclaire, à sa manière, cette période historique que la France a jetée aux oubliettes. Ainsi, Sembène Ousmane vient rappeler avec Emitaï, Dieu du tonnerre (1971) les rapports douloureux que les Sénégalais ont eus avec les soldats français en Casamance, en 1942, et valoriser le combat des Africains avec Le camp de Thiaroye (1988) qui évoquent la révolte des tirailleurs sénégalais qui attendaient dans le camp de Thiaroye leur démobilisation et le versement de leur pension. Aussi, tandis que Pétra Rosay et Jean-Marie Fawer, avec c'est nous les Africains... eux aussi ont libéré l'Alsace (1994), retracent des itinéraires individuels de combattants algériens et marocains installés en Alsace après l'avoir libérée. aussi, Eric Beauducel, dans Le bataillon des guitaristes (2004), évoque les sacrifices de ces combattants de la liberté que la France a ignorés. De son côté, Rachid Bouchareb, avec son film d'animation, L'ami y a bon (2004), livre l'itinéraire du Sénégalais Aby, mobilisé pour voler au secours de la France, en 1939, qui séjournera dans des camps nazis avant de rentrer au pays. D'autres films viendront plaider une valorisation des sacrifices de ces anciens colonisés ; une valorisation cinématographique, bien sûr, à défaut d'une reconnaissance politique. Pour mieux cerner la question, les organisateurs ont programmé des débats durant tout le festival et qui seront animés par des historiens, des hommes de lettres et autres témoins de l'histoire. En outre, deux expositions sur le même thème ajouteront certainement leur grain de sel à ce festival. En fait, il s'agit des croquis du peintre Jean Bouchard réalisés en 1940 dans les camps de Fréjus et des photographies de Didier Bergounhou portant sur les anciens tirailleurs burkinabais. Avec une telle programmation, on ne peut pas dire que les organisateurs n'ont pas bien visé, tant qu'ils ont su susciter un grand intérêt auprès des jeunes parisiens issus de l'immigration, avides de connaître ce chapitre important de leur mémoire collective. T. H. /S. H.