Ces crises cycliques qui traversent les partis politiques sont révélatrices de dysfonctionnements dans leurs structures. À quelques mois des élections locales, prévues en automne, une certaine agitation semble avoir gagné les formations politiques qui font face, pour certaines, aux soubresauts provoqués par des résultats pas toujours à la hauteur des ambitions des uns et des autres. Ainsi, en battant le rappel des mouhafedhs du parti, le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes, n'a pas seulement satisfait à un rituel organique, à la veille de cette importante échéance électorale, mais cherche, apparemment, à maîtriser un appareil qui n'est pas à l'abri de soubresauts avec la confection attendue des listes électorales. Ebranlé par le dernier séisme électoral, le FLN, quand bien même arrivé premier, a perdu une soixantaine de sièges par rapport à 2012 et a vu plusieurs voix s'élever pour réclamer la tête du secrétaire général. Le scandale de l'achat des places a laissé des séquelles telles que la confection des listes pour les assemblées locales risque de provoquer encore de grands remous au sein du parti dont on ne peut prédire les conséquences. Il ne se passe plus un jour, depuis quelque temps, sans que la presse fasse état de tensions et de colère dans certaines mouhafadhas. Dernière en date, celle de Lakhdaria dans la wilaya de Bouira. De crainte que la crise ne s'exacerbe davantage à mesure que l'échéance approche, Djamel Ould Abbes a brandi la menace devant les mouhafedhs. "On se connaît tous ici. Certains parmi vous, une minorité heureusement, n'ont pas joué le jeu lors des élections législatives. Nous avons même des enregistrements. Nous sommes, certes, pour l'unification des rangs au sein du parti et j'ai ouvert les portes à tout le monde. Cela ne veut pas dire que nous allons tolérer certains comportements qui sont de nature à nuire au parti. Il s'est passé des choses graves lors des dernières élections. Nous ne le permettrons plus jamais à l'avenir (...)", a tonné devant les mouhafedhs, Djamel Ould Abbes. En décodé : Djamel Ould Abbes soupçonne quelques connivences de certains mouhafedhs avec les redresseurs et leur reproche de n'avoir pas accompli la mission qui leur était dévolue. Autant dans la confection des listes, que dans l'animation de la campagne électorale. Mais il n'y a pas qu'au FLN où les rendez-vous électoraux, si l'on excepte la présidentielle, provoquent des remous et des fissures. Le FFS aussi n'a pas échappé à cette logique. Après avoir écarté un membre influent du présidium, en l'occurrence, Rachid Hallet, visiblement pour des divergences profondes stratégiques, le FFS a opéré un changement à sa tête en désignant Hadj Djilani Mohamed comme premier secrétaire. Présenté comme ordinaire, ce changement dissimule pourtant difficilement un certain malaise lié à la mise à l'écart de certains fédéraux avant qu'ils soient réhabilités mais aussi à l'enjeu de l'élection et à la construction laborieuse et contrariée du consensus national. Engagé au sein de la CLTD avant de faire cavalier seul, le RCD a également subi les contrecoups de la participation aux élections législatives avec quelques démissions enregistrées dont celle, symbolique, du président de l'APC de Tizi Ouzou. Même s'il donne l'impression d'être à l'abri, le RND d'Ahmed Ouyahia a, lui aussi, connu des remous lors des dernières législatives. Comme pour éviter que la colère ne fasse tache d'huile, Ouyahia a très tôt fait d'exclure les contestataires. Chez les islamistes aussi, la crise n'est pas loin. Plusieurs cadres du mouvement Ennahda, non contents de la gestion des affaires du parti, mais aussi de l'attelage passé avec les deux partis de l'alliance Al-Bina ont exprimé ouvertement leur mécontentement et réclamé des comptes à leur chef. Mais s'il faut probablement mettre ces crises cycliques sur le compte de l'apprentissage et des ambitions, au demeurant naturelles, qui s'affirment au sein de la base militante, il n'en demeure pas moins qu'elles révèlent aussi des dysfonctionnements au sein de ces partis dont la plupart reproduisent les mêmes mécanismes et les mêmes réflexes que l'ex-parti unique. À l'évidence, les entraves du pouvoir et les contraintes de l'administration ne sont pas de nature à garantir un exercice politique serein. Mais il faut bien admettre que l'absence de transparence et de gestion démocratique dans certains partis sont pour une large mesure à l'origine des crises qui les secouent régulièrement. Et rien ne dit qu'elles ne vont pas s'exacerber avec les prochaines échéances électorales. Karim K.