Cette biographie de l'un des précurseurs du scoutisme de la Grande-Kabylie nous fait découvrir un personnage fondamentalement humain, Si Hacène Hammoutène, qui a consacré sa vie à l'éveil de plusieurs générations quant à la question indépendantiste. Dans L'Erudit, paru aux éditions ENAG, l'écrivain Mohamed Hammoutène ressuscite l'esprit de cette figure phare de la région de Tizi-Ouzou, en l'occurrence Si Hacène Hamoutène, qui a, durant toute sa vie, œuvré pour le savoir, la sagesse et l'indépendance. À travers 170 pages, le premier directeur de l'école coranique "La chabiba", dans la ville de Tizi Ouzou, est célébré par la plume de son neveu, qui retrace son enfance, balloté entre un foyer morne après le décès de sa mère, une adolescence sans réels repères, puis l'influence de l'Association des oulémas musulmans, et l'impact de cette dernière sur sa carrière et sa vie futures. Divisé en vingt-quatre chapitres, le parcours de "l'érudit" est détaillé par l'auteur dans ses moindres détails, à commencer par le portrait qu'il fait de lui. "Ammi (oncle paternel) Si Hacène Hammoutène est né le 26 septembre 1913 à Tizi Ouzou, fils de Hammoutène Amar (...) C'était un pédagogue de grand talent. Il était un éducateur inné, il maîtrisait l'arabe majestueusement, poète, auteur d'un grand nombre de poèmes. Il était aussi un grammairien reconnu à l'époque de tous ses collègues". Ainsi, on comprend que le savoir et le devoir de le transmettre occupaient la majeure partie du quotidien de l'instituteur, qui rencontra Abd El-Hamid Ibn Badis à Constantine après avoir quitté, à vélo, sa ville natale. À Constantine justement, Si Hacène se passionne, en plus de l'apprentissage du Coran et des sciences, pour la ville, son histoire et ses habitants. Surpris par une telle sagesse et humilité de la part d'un jeune homme de son âge, les Constantinois le considéraient dès lors comme l'un des leurs. Aussi, les conseils et la protection d'Ibn Badis conforteront notre futur instituteur dans son choix de s'éloigner des siens afin d'assurer son avenir et, surtout, rendre son père vieillissant fier. Quelques pages plus loin, l'implication de Si Hacène dans l'éveil de conscience de la population, notamment les jeunes, sur la question indépendantiste est relaté par son neveu, qui note qu'il fut nommé "morchid" (guide), dans la section des scouts de Tizi Ouzou, "El-Hilal", à travers laquelle il dispensa, en plus de l'enseignement coranique, des cours complémentaires dans l'esprit d'un apprentissage moderne. Puis vint l'autorisation officielle de l'administration française quant à l'existence de la Chabiba un certain 29 décembre 1943, et au sein de laquelle il prodiguera son savoir à des générations entières. Au fait de ses engagements et convictions politiques, l'administration française, relève l'auteur, l'arrêta au domicile familial, n'ayant pour seul preuve que quelques bribes de poèmes écrits par l'instituteur. Quand bien même, et sans preuve accablantes contre lui, il sera prisonnier de l'armée française à Tigzirt, avant d'être relâché au bout d'un seul mois. Par cette biographie, la mémoire de cet acteur important de la lutte -par la plume- anticoloniale est ressuscitée afin que nul n'oublie le juste combat que menèrent les premiers intellectuels algériens pour l'indépendance.* Yasmine Azzouz L'Erudit, de MohamedHammoutène, éditions ENAG, 170 p, 2015.