La principale revendication, à savoir la levée des poursuites pénales contre les enseignants, n'a pas été satisfaite par le département de Benbouzid qui menace de nouveau de sanctionner les grévistes. Bataille de chiffres autour de la grève d'une journée tenue hier par le Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest). Si le syndicat autonome estime le taux de participation à plus de 80%, le ministère de l'Education nationale l'évalue à moins de 30%. Selon son conseiller à la communication, les chiffres avancés par le syndicat des enseignants sont “farfelus et relèvent de l'impensable”. “Nous avons mis en place une cellule de crise au niveau du ministère qui est restée en contact avec tout le pays pendant toute la journée. Quelle que soit la capacité d'organisation de ce syndicat, il est inconcevable qu'il puisse contrôler 60 000 enseignants et 1 400 lycées”, fait-il observer. Du côté du Cnapest pourtant, les représentants ont dès la matinée crié victoire en se faisant l'écho d'une mobilisation sans faille. “La grande majorité des établissements est fermée”, assurent-ils. Ils enregistrent la plus grande adhésion à l'est du pays dans des villes comme Constantine, Annaba et Collo. Alger n'est pas en reste, soulignent les syndicalistes. Des lycées, réputés pour être les bastions de la protestation sont cités en exemple, à l'instar d'El-Mokrani et Amara-Rachid à Ben Aknoun. Ces établissements figurent aussi dans le listing établi par le département de Boubekeur Benbouzid. Cependant, ils sont présentés comme les 6 sur les 112 de la wilaya ayant suivi le mot d'ordre de grève. Dans un tableau exhaustif, le ministère évalue le taux de participation dans la capitale à 35,73%. 1 436 enseignants sur 4 019 auraient ainsi répondu à l'appel du Cnapest. Le reste des effectifs a pris le chemin des classes soit par dépit, soit en raison de son appartenance à une organisation rivale, en l'occurrence le Conseil des lycées d'Alger (CLA) qui préfère, comme à l'accoutumée, faire cavalier seul. Les deux syndicats pourtant sont unis par le même sort. Non reconnus, ils s'épuisent à vouloir s'imposer en dépit des multiples coups de semonce des pouvoirs publics. Le dernier en date concerne la traduction de leurs responsables respectifs devant les tribunaux. C'est justement pour protester contre les poursuites pénales dont font l'objet sept de ses dirigeants que le Cnapest a décidé de la grève d'hier. Ces proches collaborateurs de Méziane Mériane ont été placés sous contrôle judiciaire au motif d'avoir maintenu une action de protestation antérieure — le 1er mars dernier — malgré une décision d'annulation en référé, prononcée par la chambre administrative du tribunal de Sidi-M'hamed. “On nous a accablés nommément. Mais était-il en notre pouvoir de suspendre un mouvement de contestation, voté en assemblée générale ?” se défend l'un des syndicalistes. Qualifiant le recours systématique aux tribunaux et aux mesures de rétorsion administratives de “harcèlement et de persécution”, il appelle le ministère de tutelle au dialogue. “Benbouzid ne va quand même pas passer son temps à porter plainte contre nous”, s'élève notre interlocuteur. Curieusement, le département de l'Education est du même avis. “On ne va pas passer notre vie à faire des référés”, tonne le conseiller à la communication. Cette fois-ci, si la voie judiciaire est écartée, les sanctions sont néanmoins prises contre les grévistes. “La réglementation sera appliquée, ni plus ni moins”, certifie le représentant de la tutelle. Néanmoins, outre le bâton, il tend une carotte au Cnapest. À ce propos, il assure que les portes du ministère restent ouvertes au dialogue. De son avis, si les liens sont rompus, c'est exclusivement de la faute du syndicat autonome dont il dénonce “le revirement surprenant”. S. L.