Les partis de l'opposition représentés à l'APN ont eu une réaction quasi unanime après avoir entendu le Premier ministre présenté le plan d'action du gouvernement : la solution à la crise ne peut venir de ceux qui n'ont pas su ou pu l'éviter, pour ne pas dire ceux qui l'ont produite. De quelque obédience qu'ils soient, les partis, du RCD à El-Adala en passant par le PT, le FFS et le MSP, ont reproché au gouvernement sa navigation à vue et ont affirmé rejeter son plan d'action. Mohcine Belabbas (RCD) : "Bouteflika veut commercialiser du mensonge" Dans son ensemble le plan d'action d'Ouyahia ressemble à plus de 75% aux plans d'action de Belkhadem, d'Ouyahia I, d'Ouyahia II, d'Ouyahia III et de Tebboune : c'est la même titraille. La seule nouveauté c'est qu'aujourd'hui, Bouteflika veut commercialiser du mensonge en nous vendant ce qu'il appelle pompeusement le financement non conventionnel que certains appellent la planche à billets. En réalité, c'est la création de la fausse monnaie parce qu'il n'y pas son équivalent vu que nous n'avons pas une économie qui nous permette de créer une telle monnaie. Cela peut permettre de payer à court terme les dettes de l'Etat. Mais Bouteflika n'a pas pensé aux répercussions de la création de cette monnaie. Il va y avoir une augmentation générale des prix sur le marché ; il va y avoir une dévaluation plus accrue de la valeur du dinar ; il va y avoir beaucoup d'Algériens qui vont ruer au Square pour acheter de la devise; il va y avoir beaucoup d'acteurs financiers étrangers qui vont perdre confiance et qui vont fuir le pays. En tout cas, tout cela va provoquer à la fin une inflation qui peut atteindre les trois chiffres : en 2017 elle était déjà à 7,7, en 2018 elle atteindra les deux chiffres et d'ici à 2019-2020 on aura, automatiquement, une inflation à trois chiffres. On ne peut pas financer l'investissement avec une monnaie qui n'est pas une devise. Le gouvernement essaye de reproduire les exemples des USA et du Japon, or il n'y a aucune comparaison à faire entre les économies de ces pays et la nôtre. À propos du dialogue qu'il évoque, je ne pense pas qu'Ouyahia veut dialoguer parce qu'il a commencé par accuser les partis de l'opposition de "commerçants de la politique". Il n'avait pas besoin de cela. Il aurait pu le dire avec sa casquette de SG du RND, mais en tant que Premier ministre, il n'avait pas besoin de commencer son discours par stigmatiser l'opposition dans une conjoncture comme celle-là. N'importe quel Premier ministre responsable va (au contraire) chercher à gagner l'opinion en général et les partis politiques et les syndicats en particulier. Donc, il ne veut pas d'un dialogue. Djamel Baloul (FFS) : "C'est méprisant pour le peuple et l'intelligence de ce pays" Le discours du gouvernement est méprisant pour le peuple algérien et l'intelligence dans ce pays. Si réellement le recours au financement constituait une solution pourquoi ne pas l'avoir fait il y a une ou deux années en arrière ? Ils sont en train de faire dans le populisme. Quand Ouyahia cite certains pays développés tels que l'Allemagne ou les USA, il sait bien que ces pays-là ont des économies fortes, ce qui n'est pas le cas de notre pays. Et quand il dit que le recours à la planche à billets c'est pour financer les investissements, on veut bien savoir de quels investissements il parle ? Ne faut-il pas d'abord prioriser les investissements ? S'agissant du dialogue dont il parle, nous voulons bien savoir sur quoi dialoguer ? Et pour quel objectif ? Si le pouvoir est disposé à dialoguer avec toutes les forces vives de ce pays pour le sortir de la crise et du statu quo imposé depuis des années, voire des décennies, on est disposé à dialoguer. Mais à travers ses porte-parole, à leur tête le Premier ministre, le pouvoir parle uniquement d'une crise économique et financière, or nous, nous parlons d'une politique, multidimensionnelle. Donc, notre revendication est d'aller vers un dialogue pour trouver des solutions définitives à la crise. Si le pouvoir veut ce dialogue d'accord. Mais il ne donne pas l'impression de le vouloir. Ramdan Taâzibt (PT) : "Le gouvernement avance les yeux fermés" Malheureusement, nous n'avons vu aucune volonté du gouvernement de mettre un terme aux développements dangereux de la situation du pays. Le gouvernement propose la même politique qui nous a menés à la situation désastreuse actuelle. La solution de la planche à billets est une solution trop éphémère. Le plan du gouvernement Ouyahia fait l'impasse sur les vrais problèmes du pays. On ne peut pas prétendre préserver la stabilité sans le règlement des vrais problèmes qui affectent le pays, dont la corruption généralisée et les privatisations. Le dialogue c'est toujours bien, mais ce qui est attendu du gouvernement c'est qu'il prenne des décisions pour, encore une fois, régler les vrais problèmes tels que le recouvrement des impôts ou encore la récupération des biens spoliés. En outre, le gouvernement Ouyahia évite habilement d'évoquer la question de la séparation de l'argent du politique évoquée dans le plan d'action de son prédécesseur, Abdelmadjid Tebboune. Le gouvernement Ouyahia avance les yeux fermés. Nasser Hamdadouche (MSP) : "Nous rejetons le plan d'action d'Ouyahia" À travers le recours à la planche à billets, le gouvernement n'affiche aucune volonté d'aller vers des solutions pérennes. Son seul souci est de payer les employés de l'Etat et des retraités dans les quelques mois à venir. La crise que traverse le pays aujourd'hui est plus complexe qu'une crise financière, donc cette solution éphémère ne va pas régler les problèmes. Bien au contraire, elle aura des conséquences néfastes sur le pouvoir d'achat des Algériens en particulier et sur l'économie en général, et ce, dans très peu de temps. Pour toutes ces raisons, nous allons, évidemment, voter contre le plan d'action du gouvernement Ouyahia. Lakhdar Benkhelaf (El-Adala) : "La planche à billets aura des répercussions néfastes" Le recours au financement non conventionnel dont parle le gouvernement est une solution imaginaire qui ne réglera pas les problèmes du pays. Pis encore, elle se répercutera négativement sur notre économie en ce sens qu'elle accentuera l'inflation dans très peu de temps. Par ailleurs, nous constatons que les vraies questions qui préoccupent le peuple telles que la corruption sont absentes dans le plan d'action du Premier ministre Ouyahia. Il refuse, en outre, de reconnaître l'échec des gouvernements successifs ayant dépensé la manne de quelque 619 milliards de dollars entre 2000 et 2017, soit sept fois plus que ce qu'ont dépensé durant la même période les USA. Propos recueillis par F. A.