Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a tenté hier, lors de la présentation du plan d'action du gouvernement devant les députés, de rassurer et de convaincre les parlementaires quant à l'efficacité des nouvelles orientations économiques et politiques décidées par le gouvernement. Des choix qui, selon lui, s'imposent pour éviter le pire au pays. Mais les assurances et les arguments du chef de l'Exécutif n'ont pas convaincu les députés de l'opposition. Tous se sont demandé si le chef de l'Exécutif ne s'est pas trompé de société et de pays, lorsqu'il expliquait le recours au financement non conventionnel, c'est-à-dire la planche à billets. «A qui s'adresse Ouyahia ?» se sont interrogés les députés du PT, FFS , RCD et MSP. Dans son discours, le Premier ministre a précisé que la planche à billets n'était pas une invention algérienne et a donné des exemples de pays qui ont eu recours à cette option comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l'Union européenne. Pour ces députés, les pays cités sont assis sur des économies fortes, contrairement à l'Algérie. «Que le chef du gouvernement nous explique ce que l'Algérie va produire ou investir. Il est regrettable de constater que nous continuons à faire dans le populisme. Ce plan d'action ne fera qu'exacerber la crise et provoquer la colère sociale», déplore le député Baloul du FFS, qui pense qu'il s'agit là d'un énième mépris pour les Algériens. «A travers cette mesure, le gouvernement insulte notre intelligence. Le pouvoir a diagnostiqué le mal, mais n'a pas apporté le meilleur remède», note Baloul. La crise, pour le FFS, est d'abord politique, il faut donc une solution politique qui doit se traduire par un dialogue responsable. «Tous les plans d'action présentés par les différents gouvernements sont inspirés du programme du président Bouteflika et tous ont montré leurs limites sur le terrain. N'est-il pas temps d'aller vers une véritable réforme ?» suggère le député du FFS qui compte voter contre la feuille de route du gouvernement. Les répercussions de la planche à billets Taazibt du Parti des travailleurs s'est dit «navré» concernant la présentation du plan par Ahmed Ouyahia et qui leur propose de continuer dans la même politique qui mené l'Algérie à ce résultat désastreux. «Nous avons l'impression que le gouvernement ignore complètement les souffrances de certains secteurs. Est-ce que l'on parle réellement du même pays ?» fustige Taazibt. Il a relevé la nécessité de «faire face aux pratiques illégales qui ont failli conduire à la banqueroute du Trésor public», estimant que le problème réside dans l'application des lois. «Aujourd'hui, il s'agit de corriger toutes les politiques qui ont montré un caractère destructeur pour notre pays et non de reconduire celles qui ont mené le pays au désastre», tranche Taazibt dont le parti n'a pas dénoncé le recours à la planche à billets, mais pense qu'elle n'est pas suffisante. Le MSP partage l'avis du FFS. Le député Hamdadouche estime que les pays «cités en exemple par le Premier ministre produisent pratiquement tout ce qu'ils consomment. C'est-à-dire qu'en recourant à la planche à billets, ils ont une contrepartie en parallèle. Tandis que l'Algérie, dit-il, ne produit rien en dehors des hydrocarbures et est dépendante quasiment à 100% des importations». Pour le patron du RCD, le plan d'action présenté hier par Ouyahia ressemble à hauteur de 80% à celui présenté par ses prédécesseurs, à commencer par Belkhadem. «C'est la même titraille. Sauf qu'aujourd'hui Bouteflika a introduit une nouveauté : la commercialisation du mensonge en nous vendant ce qu'il appelle pompeusement le ‘‘financement non conventionnel''. En réalité, c'est la création de la fausse monnaie parce qu'il n'y a pas son équivalent», assène Mohcine Belabbas. Le recours à la planche à billets aura pour conséquence l'appauvrissement des citoyens et une inflation à deux chiffres. S'agissant de l'appel au dialogue lancé par Ouyahia, le RCD n'y croit pas trop. «Je ne pense pas qu'Ouyahia veut dialoguer, parce qu'il a entamé son discours en accusant les partis de l'opposition de ‘‘commerçants de la politique''. Il n'avait pas besoin de commencer par stigmatiser l'opposition dans une conjoncture comme celle-là», déplore Belabbas.