Farid Yaker, président du Forum France-Algérie (organisateur du festival), évoque dans cet entretien les objectifs de cette manifestation, et son impact. Liberté : Vous êtes le président du forum France-Algérie et organisateur du festival "Algérie en mouvement". Comment est née cette initiative ? Farid Yaker : Cette initiative est née en 2012, très peu de temps après la création du Forum France-Algérie. Notre objectif était et reste toujours de mettre un coup de projecteur sur les thématiques et les acteurs du changement en Algérie, notamment au sein de la jeunesse. Et d'une part pour rendre hommage et encourager toutes les initiatives positives, qu'elles soient citoyennes ou entrepreneuriales, et d'autre part pour corriger la mauvaise image de l'Algérie au sein du public francilien en montrant qu'il se passe des choses formidables de l'autre côté de la Méditerranée. Nous avons ainsi organisé une première édition en 2013 qui a été couronnée de succès. Nous souhaitions organiser la seconde édition en Algérie, mais cela n'a pas été possible. Nous avons donc décidé de lancer une seconde édition en France cette année. Quel a été l'impact de la 1re édition ? Initié par le Forum France-Algérie avec un collectif associatif de la région Île de France incluant l'association Touiza Solidarité, la première édition s'était appuyée sur son réseau associatif en Algérie, avec comme partenaire principal, l'association Etoile culturelle d'Akbou, chef de file du réseau algérien de la Fondation Anna Lindh constitué de structures, d'associations et de personnalités issues de la société civile algérienne. Une articulation avait également été assurée avec les membres du Programme Joussour ou Programme Concert Pluri-Acteurs Algérie, dispositif de coopération de société civile à société civile franco-algérien, qui est toujours partenaire de "Algérie en mouvement 2017" ! Plus de 60 acteurs associatifs et entrepreneuriaux s'étaient mobilisés dans le cadre de rencontres de terrain dans 4 communes franciliennes et de conférences thématiques sur l'environnement, le rôle de la jeunesse dans le développement ou l'économie sociale et solidaire. La première édition avait permis de constater que les associations algériennes avaient développé de nombreuses compétences et jouaient un rôle essentiel dans de nombreux domaines de la vie socioéconomique et culturelle algérienne. Elles sont le lieu privilégié de l'engagement citoyen des jeunes et leur espace de liberté. Elles sont devenues une force de proposition et d'innovation citoyenne. Nous avions également noté que de nouvelles entreprises qui s'inscrivaient dans la modernité et dans des démarches citoyennes émergeaient en Algérie. Nous avions également conclu qu'il y avait en France une grande méconnaissance des réalités algériennes et qu'il y avait en particulier une attente forte des Franco-Algériens pour s'informer de l'évolution de leur pays d'origine et pour contribuer à son développement. Nous avions décidé de continuer à faire connaître et valoriser les acteurs innovants et citoyens algériens et par la même, continuer à tisser de nouveaux liens entre la France et l'Algérie au bénéfice des deux pays. Que propose la 2e édition de nouveau ? L'action est mise en œuvre par le Forum France-Algérie avec pour coorganisateurs la coopérative culturelle Artissimo, Mayhem Coproration, Booster Consulting, les Comptoirs de la Méditerranée et Wesh Derna. Le concept d'Algérie en Mouvement a été modifié. La seconde édition est concentrée sur Paris et fait la part belle au cinéma et aux documentaires qui sont des outils privilégiés pour illustrer une réalité sociale et qui seront projetés au cinéma l'Entrepôt dans le 14e arrondissement. Cette année, nous avons choisi de nous pencher sur deux thèmes : "La place des femmes dans l'espace public" et "Comment internet change la vie des Algériens" qui sera illustré par un film amateur, Contraste Bladi, réalisé par deux jeunes, Zakaria Brahimi et Omar Haddad et qui sera projeté en avant-première. Nous distribuons également les prix de l'année du Forum France-Algérie à trois documentaires (Wesh Derna de Riad Touat, Bla Cinima de Lamine Ammar-Khodja et H'na Barra de Meriem Achour Bouakkaz et Bahia Bencheikh-El Fegoun) et au long-métrage, À mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana, en présence nous l'espérons de Biyouna, Nadia Kaci, Souad Massi et d'autres actrices de ce film, qui a été sélectionné par nos adhérents et sympathisants à l'issue d'un vote en juillet-août de cette année. Nous organisons également une soirée de lancement à la mairie du second arrondissement de Paris au cours de laquelle nous aborderons le thème du dynamisme associatif et entrepreneurial en Algérie à travers notamment les témoignages d'une série de responsables associatifs et de chefs d'entreprise algériens. Comment se font les choix de thématiques, d'invités, de programmes ? Nous avons diffusé un questionnaire en juillet pour recueillir des propositions de court-métrage. Le thème de la place des femmes dans l'espace public est vite ressorti comme un sujet fédérant de nombreuses œuvres de qualité et nous avons décidé de le retenir. Le choix de la place de l'internet dans la vie des Algériens a été fait par l'association car nous sommes témoins du rôle que joue internet et les réseaux sociaux dans la transformation socioéconomique et citoyenne de l'Algérie. Nous avons décidé de donner carte blanche à des jeunes de Mayhem Corporation pour illustrer ce thème dans un documentaire que nous avons co-produit. Finalement, nous gardons le même focus qu'en 2013 en mettant en lumière des initiatives citoyennes et entrepreneuriales positives et innovantes. Les thèmes qui traversent Algérie en Mouvement 2017 sont ceux de la citoyenneté, du digital, de l'environnement et de la femme comme acteur de développement mais aussi comme membre du corps social pouvant prétendre à un égal accès à l'espace public. Qui finance cet événement ? Y a-t-il des mécènes, des sponsors ? Nous sommes principalement financés par des donations provenant de personnes ou de fondations privées comme les Comptoirs de la Méditerranée. Nous comptons également sur les recettes de la billetterie de l'Entrepôt. Notre budget est loin d'être bouclé et notre appel à don est donc toujours d'actualité. Beaucoup de participants financent eux-mêmes leur participation, les maisons de distribution audiovisuelles nous ont fait des prix et nous pouvons compter sur un grand nombre de bénévoles et de partenaires que je salue et remercie. La mairie du deuxième arrondissement de Paris a fait une grande contribution en mettant à disposition une très belle salle et l'Institut français d'Oran a pris en charge le déplacement de deux participantes. L'Institut des cultures d'islam de Paris accueillera notre soirée de clôture. Avez-vous eu des difficultés à convaincre les partenaires en Algérie ? Aucune. Nos partenaires ont adhéré immédiatement au projet comme ce fut le cas en 2013. Ils sont conscients de la chance qui leur est donnée de valoriser leurs actions et de contribuer à promouvoir l'image de l'Algérie en France. Comptez-vous poursuivre l'aventure "Algérie en mouvement" ? Plus que jamais avec peut-être une extension à d'autres expressions artistiques comme la photo ou les arts graphiques. Nous n'abandonnons pas par ailleurs notre rêve d'alterner les éditions entre la France et l'Algérie avec un espoir d'organiser la prochaine édition à Oran en partenariat avec l'association Santé Sidi El Houari, présidée par le Dr Kamel Bereksi et d'autres acteurs de cette ville qui illustre bien le dynamisme citoyen et entrepreneurial algérien. Entretien réalisé par : Samira Bendris-Oulebsir