La langue est le meilleur miroir d'un pays et d'un peuple. Quiconque en sait faire un usage à bon escient saura sauvegarder son honneur et garder la tête haute. C'est la dernière ligne droite avant l'inauguration du Sila, et ça augure déjà du neuf, notamment au stand des éditions Tafat, où notre confrère Tarik Djerroud fait part de la publication de son dernier-né qu'il a intitulé Tamazight – Âme de l'Afrique du Nord. Une originalité cependant, l'ouvrage est scindé en tomes I et II, où l'auteur convie le lecteur à revisiter notre histoire, ce terreau si fertile aux vendanges de nos valeurs et à la cueillette de nos richesses. Donc, et par voie d'incidence, "c'est un voyage dans l'histoire souvent écrite en pointillés pour comprendre ce que cachent les vides... Et saisir le sens d'un parcours qui, pour tamazight, allait vers son déclin avant d'amorcer une renaissance à petit feu, laborieux mais prometteur...", a-t-on su de l'auteur. Stylisé dans le label d'un livre de poche que l'on ne connaît qu'aux éditions Tafat, l'ouvrage si digeste se veut aussi le rajout d'une pierre à l'édification du temple de tamazight. Peut-être bien que cela soit là une fleur du destin, ou tout simplement une coïncidence, étant donné que l'ouvrage arrive en même temps que les solennités qui nous rappellent au souvenir du centenaire de l'écrivain, anthropologue et linguiste, le regretté Mouloud Mammeri (1917-1989). Donc, si tel est le cas, l'auteur s'en trouve aussi sur les pas de l'amusnaw de Taourirt-Mimoun, avec lequel il a à cœur un "patrimoine en partage" de son tome II. Donc, autant opter pour cette hypothèse, du fait que l'auteur rassure à la page 12, quant à la pérennité d'un legs des anciens : "Ainsi donc, de toutes les langues que le soleil de l'histoire éclaire avec éclat, il y en a rarement une comme tamazight : fascinante par son originalité et sa capacité de résistance aux affres des siècles". Illustré de gravures, dont la stèle d'Abizar, l'œuvre de Tarik Djerroud est en tout état de cause, la restitution d'un trône, de la puissance souveraine de l'aguellid Yugerten (Jugurtha). Pour ce qui est du tome I, "un patrimoine en héritage" si riche de treize chapitres, l'auteur se dote de sa trousse d'outils d'archéologue et s'en va à l'endroit de l'innocence puérile d'un "archéologue" en herbe, qui, lors de travaux de champs, avait mis au grand jour, une pierre à la forme d'un homme tenant un javelot. Certes qu'elle n'était pas la première, puisqu'elle (la pierre) s'ajoutait aux pièces archéologiques découvertes à Cherfa, à Boudjima et à Tala Gala près d'Ifigha. D'où l'intérêt de l'auteur d'aller sur le site où "l'histoire annonçait son retour comme un ver de terre lumineux". Alors, est-ce ainsi que le passé va prendre sa revanche ? Que nenni ! s'en défend l'auteur qui précise à la page 15 : "Cette réapparition n'avait pas les contours de la vengeance, encore moins ceux de la cruauté. Elle s'annonçait pour secouer ceux qui l'avaient oubliée, pour choquer ceux qui l'avaient méprisée". Et depuis, le coup de foudre pour les vieilles pierres s'est abattu sur l'auteur qui l'emmena à desceller le couvercle du caveau de l'histoire d'où a jailli "tamazight" ! Ce legs de nos aïeux, qui l'ont investi de la lourde tâche de le partager avec l'universalité, où les femmes et les hommes circulent en toute liberté sur le tarmac de l'histoire : "Le tarmac de l'Histoire est ouvert à tous, sans visa. Y atterrir est une invitation à un dialogue serein. Et la pertinence de ce face-à-face permet de discerner quelques réalités ; et surtout de mieux choisir son propre chemin vers l'avenir", peut-on lire à la page 13. De plus, la lecture du chapitre I "À bas le berbère" se veux aussi une tribune d'où l'auteur fustige "ces Grecs qui n'avaient guère d'estime pour ceux qui ne leur étaient pas semblables en langue et en culture". Et, à l'encontre de ce qui vient d'être écrit, l'auteur déplore aussi que "ces Imazighen soient ces mal-aimés de l'Histoire et donnés en pâture à la vindicte xénophobe, tel ce gibier de potence". Pire, pour atteindre ce résultat, le dictionnaire Français-Latin y met du sien pour donner le synonyme du terme "Barbarus" qu'il rétrograde à sa plus simple expression : "Sauvage, cruel, barbare, grossier et incult" ! Par contre, l'historien Charles-André Julien écrivait : "Pourtant, le Berbère est loin de représenter un type d'humanité inférieur. Il s'est même manifesté par des personnalités remarquables". Que dire d'autre à propos de l'ouvrage Tamazight I et II de l'auteur Tarik Djerroud, sinon qu'il me faut m'arrêter là, et laisser le soin au lecteur de se "régaler" d'un ouvrage qui est prédestiné à faire son entrée dans les manuels scolaires, où les blasons de tamazight se doivent d'être redorés. Bonne lecture ! Louhal Nourrreddine