Reste maintenant à savoir si la démarche est conjoncturelle, c'est-à-dire effacer l'image de l'homme qui "sème la peur", ou si elle procède d'une stratégie de "conquête du pouvoir", c'est-à-dire en perspective de 2019. Hasard du calendrier, concours de circonstances ou plan média bien réfléchi : depuis son grand oral, mi-septembre, devant les députés à l'occasion de la présentation de son plan d'action, Ahmed Ouyahia ne cesse d'"écumer" les espaces médiatiques. Hier vendredi, il était de nouveau l'invité d'une émission de la Télévision algérienne. Un passage au cours duquel il a répondu à nombre de questions, dont particulièrement celle relative au secret de la longévité du soutien de son parti au président de la République. "La relation peut être assez bonne entre les hommes, mais on regarde, en premier, l'Algérie. Abdelaziz Bouteflika est venu participer à la sauvegarde de l'Algérie, la sortir de la tragédie et relancer la reconstruction nationale. On peut dire que son message et le notre se rejoignent à 70%, 80%", a-t-il dit. "C'est suffisant en politique. Le jour où la politique sera bâtie autour de programmes et d'objectifs, là vous aurez une vision plus claire, et peut-être dans la famille politique, le message transcende l'entente ou la divergence entre militants." Quelques jours plus tôt, il était l'hôte de la Radio nationale. Même s'il était convié en qualité de secrétaire général du parti, Ahmed Ouyahia n'hésitait pas à enfiler le costume de Premier ministre pour répondre à certaines questions dans un discours assez policé qui tranche singulièrement avec l'arrogance que lui reprochent ses détracteurs. Par bien des aspects, il s'agissait d'un discours-programme puisqu'il a défendu des options et décliné certaines positions. C'est ainsi qu'il a parlé de la décentralisation, de la planche à billets, de certaines lois, de la gestion, de la gouvernance, de la corruption, de l'opposition, du dialogue, de la situation sécuritaire, des jeunes et de la dépréciation du dinar. Seules critiques : ceux qui appellent "à l'intervention de l'armée" pour participer au changement, qu'il qualifie d'"affabulateurs" et ceux qui évoquent la "fraude anticipée", accusés d'être "incapables de présenter une centaine de listes". Ahmed Ouyahia a même défendu l'ex-ministre Chakib Khelil et appelé l'opposition au dialogue. Devant les patrons du FCE où il était présent quelques jours plus tôt, lors de l'université d'été, il avait axé son intervention sur les grandes lignes et la stratégie envisagée par l'Exécutif pour relancer la machine économique. Ahmed Ouyahia avait tenté de répondre aux inquiétudes des opérateurs et promis des gestes en leur faveur pour encourager l'investissement et la production locale. Si l'on ajoute ses sorties, comme celle à Oran, on peut dire sans risque de se tromper qu'Ahmed Ouyahia a adopté une nouvelle politique de communication, lui qui a souvent reproché aux institutions "un manque de communication". D'ailleurs, même le site du Premier ministère s'est mis à la page, depuis quelque temps, en diffusant régulièrement des informations. Reste maintenant à savoir si la démarche est conjoncturelle, c'est-à-dire effacer l'image de l'homme qui "sème la peur", ou si elle procède d'une stratégie de "conquête du pouvoir", c'est-à-dire en perspective de 2019. Réputé pour être un médiocre tribun depuis qu'il a été projeté sous les feux de la rampe au milieu des années 90, Ahmed Ouyahia est, comme qui dirait, en train de soigner une image qui jusque-là peinait à faire consensus. Une quête qui pourrait être liée au prochain rendez-vous électoral ou pour préparer "la rencontre de l'homme avec son destin". À moins que la démarche soit dictée par le message distillé par une source anonyme qui faisait état, dans les colonnes de nos confrères du Quotidien d'Oran, de l'alarme des services de renseignement des conséquences de son discours sur la paix sociale. Ahmed Ouyahia, qui a démenti les rumeurs d'un remaniement, n'avait pas réagi à cette source. Karim Kebir