Les chiites, une minorité en Arabie Saoudite, concentrée dans la province orientale riche en pétrole, veulent mettre à profit les élections municipales du 3 mars pour combattre leur marginalisation dans un pays dominé par le wahhabisme, la version la plus rétrograde du sunnisme. Le rôle des conseils municipaux est limité, mais les élections offrent l'occasion de prouver la présence des chiites comme des citoyens égaux, a déclaré un dignitaire chiite, cheikh Ali Al-Nasser. C'est dit pour la première fois dans l'histoire de l'Arabie Saoudite, les chiites osent pointer du nez. C'est significatif des changements qui se produisent dans ce pays classé parmi les plus fermés dans le monde et dont les dirigeants se sont toujours prévalus d'une légitimité divine ! Un scrutin sera organisé le 3 mars dans les provinces de l'est et du sud-ouest d'Arabie, marquant la deuxième phase des premières municipales de l'histoire du royaume, lancées le 10 février dans la région de Riyad. Ont participé à cette première phase 73,6% des quelque 140 000 électeurs inscrits, qui ne représentaient qu'environ 30% des personnes en âge de voter. Les femmes, par contre, n'ont toujours pas le droit de voter. Elles doivent se contenter du droit de disposer enfin d'une carte d'identité ! Le scrutin dans la province orientale, où résident la plupart des chiites, soit 10% de la population, estimée à près de 17 millions d'habitants, est présenté par les autorités comme un gage d'ouverture. Contrairement à Riyad, le vote dans les régions chiites serait plus important : près de la moitié des personnes en âge de voter a été inscrite pour ce vote, en réponse à l'appel du clergé chiite exhortant les chiites à saisir l'occasion pour sortir de l'ombre. Marginalisés, sous haute surveillance et souvent traqués, les chiites saoudiens ne cachent plus leur frustration depuis que le régime wahhabite est sous pression internationale et qu'il doit faire également face à un terrorisme généré par sa propre idéologie. Ils n'ont pas le droit ni de s'enrôler dans l'armée ni de postuler à des postes dans l'administration, et même leurs cimetières sont pratiquement clandestins ! Revigorés par la victoire des chiites en Irak, les chiites saoudiens interpellent la majorité sunnite et le gouvernement pour réaliser que le chiisme fait partie du paysage saoudien. Ils attribuent, du reste, leur mise à l'écart aux influents islamistes salafistes qui, présentant le chiisme comme une hérésie, ont établi un système unipolaire dans lequel ils sont persuadés détenir l'exclusivité de l'Islam. Mais les chiites saoudiens se défendent de tout séparatisme dans leur province, qui détient le gros des réserves saoudiennes de brut. Ils veulent être reconnus en attendant d'exiger le partage des richesses sur lesquelles ils sont assis. D. B.