Des réformes ont frappé aux portes de l'Arabie saoudite et de l'Egypte en 2005, mais ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan de l'archaïsme et du totalitarisme dans lequel baignent ces deux pays. Sous la pression américaine, le royaume saoudien a entrouvert les portes de la démocratie. Il y a eu des élections municipales au printemps 2005 qui ont doté le pays le plus fermé du monde arabe d'une ébauche de Parlement. Un madjlis al choura sans pouvoir réel, élu pour moitié par à peine 11% de l'électorat masculin. Pour faire patienter les Saoudiennes exclues dans ces premières consultations électorales, le roi leur a octroyé le droit de posséder leur propre carte d'identité ! Elles n'ont toujours pas le droit de conduire ! Le royaume n'est pas près de rejouer la carte électorale car les municipales ont été emportées par un raz-de-marée islamiste. La famille royale a le motif pour renvoyer les Etats-Unis à leurs copies : des élections libres conduiraient à installer les islamistes au pouvoir et auprès de qui la popularité de Ben Laden, enfant du pays, ne se dément pas. Riyad a beau bénéficier de tout l'appui occidental dans sa lutte contre le terrorisme, les cellules de ce phénomène se régénèrent dans le terreau wahhabite, qui a enfanté un modèle de société fondé sur l'intolérance, la ségrégation des sexes, les interdits, le refus de la connaissance scientifique et l'autisme culturel. Comment introduire des réformes dans un pays où règne la mouttawa, la redoutable milice du ministère chargé de la répression du vice et de la promotion de la vertu ? Abdallah, le successeur de Fahd, est d'un âge avancé, comme le nouveau prince héritier, sultan, ministre de la Défense. Il faut peut-être s'attendre à une cascade de successions et le pays est sur la corde raide. S'il ne se réforme pas vite, il risque d'imploser. Abdallah a, d'ores et déjà, appelé les musulmans à s'inscrire “dans le présent”, lors d'un sommet extraordinaire de l'OCI qu'il a accueilli à Riyad. C'est toujours ça. L'Egypte, que les Etats-Unis ont exhorté à l'ouverture démocratique par la voix de Condolleeza Rice elle-même, s'est elle aussi pliée au formalisme mais Moubarak n'a pas lâché un iota de son pouvoir qualifié de “pharaonique” par son propre peuple. En septembre dernier, le raïs, âgé de 77 ans et au pouvoir depuis 1981, devait consentir à se représenter face à cinq concurrents. La parodie d'une élection pluraliste a tout de même dévoilé la perte de popularité de Moubarak, il a rempilé avec un taux de participation de 20% ! Ses électeurs ont avoué avoir voté pour lui pour qu'il continue à barrer la route aux Frères musulmans (FM). Leur inquiétude s'est vérifiée trois mois plus tard, à l'occasion des législatives. Les FM, interdits depuis 1956 mais tolérés, ont arraché le ticket pour les prochaines présidentielles. Ils ont moins de 100 sièges au Parlement où le parti de Moubarak reste largement majoritaire. Leur score aurait pu être plus important s'ils avaient eu plus de latitude. Moubarak a tout fait pour contrarier leurs candidats, occasionnant de graves incidents avec mort d'hommes. D'autre part, les islamistes, conscients de la conjoncture internationale, ne se sont présentés que dans quelques circonscriptions, jurant qu'ils n'instaureront pas de république islamique s'ils arrivaient au pouvoir ! Les élections égyptiennes ont révélé l'équation terrible d'élections libres dans un pays musulman. Les islamistes sont en embuscade, persuadés que le temps travaille pour eux. C'est là la conséquence de pouvoirs autoritaires qui ont décapité tout autre forme d'opposition que celle islamiste, et qui, eux aussi, ont fait de la religion un fonds de commerce. L'immobilisme des pouvoirs joue en faveur des islamistes, comme leur démission dans les secteurs sociaux et éducatifs, sous prétexte que la globalisation frappe aux portes. D. B.