À Alger, le chef de l'Etat français devra sans doute dire pourquoi il garde le silence sur la période coloniale alors que, candidat, il s'était engagé à prendre des actes forts. L'annonce par le président Emanuel Macron lui-même de son intention de se rendre à Alger le 6 décembre prochain intervient dans un climat politique, a priori, détendu entre la France et l'Algérie. Les accords ayant sanctionné la quatrième session du Comité mixte économique algero-francais (Comefa), qui vient de se tenir à Alger, sont le reflet d'une coopération bilatérale, voulue comme exemplaire. Pourtant, les points de divergence entre les deux voisins méditerranéens ne manquent pas. Le plus grand malentendu est historique. Lorsqu'il sera à Alger, le chef de l'Etat français devra sans doute dire pourquoi il garde le silence sur la période coloniale, alors qu'il s'est engagé, lorsqu'il était candidat à la présidence de la République, à prendre des actes forts sur ce qu'il a considéré comme une page sombre de l'histoire de la France. M. Macron avait notamment qualifié, au cours d'une visite électorale à Alger en février 2017, la colonisation de crime contre l'humanité. Sa déclaration, très courageuse, avait suscité l'enthousiasme de nombreux historiens et de militants anticolonialisme, qui se sont adressés à lui, une fois élu, pour lever le déni qui entoure un certain nombre de faits, comme le massacre du 8 Mai 1945, la disparition de Maurice Audin ou encore les massacres du 17 Octobre 1961, à Paris. Mais leurs demandes ont à chaque fois été déçues. Contrairement à son prédécesseur, François Hollande, le nouveau locataire du Palais de l'Elysée, s'est abstenu de la moindre déclaration. De même, il a décidé de supprimer le secrétariat d'Etat des anciens combattants et de la mémoire, qui était en charge des pourparlers avec l'Algérie, sur un certain nombre de dossiers litigieux, liés à la Guerre d'Algérie, dont ceux relatifs aux disparus, aux victimes des essais nucléaires de l'armée française dans le Sahara algérien et de la restitution des archives. Un autre sujet épineux a été rajouté à la liste. Il concerne le rapatriement des cranes des résistants algériens conservés au Musée de l'Homme à Paris, et qui sonne comme un véritable imbroglio juridique. Sur la scène régionale et internationale, Alger et Paris ne sont pas aussi sur la même longueur d'onde. Leur plus grande divergence concerne la lutte contre la menace terroriste dans le Sahel. L'Algérie reproche à la France de jouer au gendarme dans la région en privilégiant l'option militaire et en ne tenant pas compte de ses positions en faveur d'une démarche inclusive et qui repose sur le dialogue. Pour exprimer son désaccord, l'Etat algérien a refusé d'intégrer le G5 Sahel, une alliance pour la lutte contre le terrorisme, formée par la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad et orchestrée par la France. L'autre problème est celui du Sahara occidental. Sur ce sujet, la France est accusée de s'aligner ouvertement sur la position du Maroc. S. L.-K.