Pour le représentant du ministère public, les accusés sont coupables. La défense ne l'entend pas de cette oreille. Compte rendu d'audiences. “Quinze ans de réclusion contre Frik et Laoufi, directeur de l'agence foncière. 10 ans de réclusion contre Makhloufi, directeur de l'OPGI, et Bellas, directeur des réserves foncières. Enfin, 5 ans de prison ferme contre le Dr Bouarfa.” Telles sont les demandes du parquet. Le réquisitoire de l'avocat général a jeté le froid dans la salle d'audience. Les avocats et l'assistance ont été étonnés par ces lourdes peines requises. En arabe et en français, le représentant du ministère a réussi à donner forme à sa vision du dossier. Pour lui, Oran a bel et bien vécu une “razzia” en matière de trafic et de spéculation sur le foncier. Il rappellera qu'à l'origine, la police avait présenté 56 personnes devant le juge d'instruction. “33 personnes ont bénéficié des largesses accordées par la prescription. Cela ne veut pas dire qu'elles n'ont rien fait, mais s'agissant des faits délictuels, ces derniers sont prescrits au bout de 5 ans. Il ne reste que ces 5 accusés poursuivis pour des faits criminels prescriptibles après 10 ans”, explique-t-il. Se basant sur l'expertise, il rappelle que le préjudice subi par le Trésor public s'élève à 26 milliards de centimes. “Les 19 milliards auxquels fait référence l'expert ne concernent que le préjudice imputé aux 5 accusés ici présents”, ajoute-t-il. Il reproche à l'ex-wali d'avoir usé de son pouvoir pour “distribuer des logements, des locaux et des lots de terrain sans avoir respecté les lois en vigueur. Le quota de 10% auquel fait référence le wali est en réalité une disposition lui permettant en outre d'accorder des logements de fonction. Cette disposition ne veut nullement dire qu'il peut faire ce qu'il veut de ces 10%, comme en faire bénéficier à sa guise sa famille et ses amis”. Il citera des cas qu'il considère comme étant des preuves de l'enrichissement de certains bénéficiaires qui ont revendu à prix d'or des appartements, des locaux et des lots de terrain dont ils ont bénéficié grâce aux largesses du wali et des 3 fonctionnaires accusés. Il insistera sur le cas de l'épouse du wali qui a revendu son local pour en acheter un autre plus grand au centre-ville d'Oran. Concernant le lot de terrain des P et T cédé à l'agence foncière et vendu à deux personnes, il tiendra à préciser : “Qu'on ne vienne pas nous raconter que personne ne savait qu'il s'agissait d'un bien appartenant aux P et T ! L'un des acheteurs n'était autre qu'un ex-ministre des P et T, décédé depuis. Mieux encore, le père de l'accusé Laoufi est actionnaire de la Sarl Méditerranéenne qui a racheté le terrain. Et on veut nous faire croire qu'il s'agit d'une transaction légale.” Il citera le cas d'un bijoutier d'Oran qui a utilisé un prête-nom pour acheter un local et le revendre. “Monsieur Zatoute a introduit une demande de local au nom de son employé Monsieur Mokhtari. Ce dernier a déclaré devant le juge d'instruction que c'est son patron qui avait encaissé les 830 millions de centimes provenant du local acheté à 100 millions de centimes auprès de l'OPGI”, déclare le représentant du ministère public. Il insistera aussi sur les modalités d'attribution des logements sociaux : “Seule la commission désignée est habilitée à distribuer les logements sociaux. Quant aux locaux situés au rez-de-chaussée des immeubles, ils sont cédés aux enchères publiques. Il n'y a pas d'autres modalités d'attribution, et le quota du wali ne s'applique pas dans ce cas.” Il citera également le cas du Dr Bouarfa qui a acheté un lot de terrain à 50 millions de centimes et qui en a revendu une parcelle pour 500 millions de centimes. Il s'attellera ensuite à démontrer que la transaction réalisée par l'agence foncière sur une parcelle de 17 hectares à Bir El-Djir est illégale. “Il s'agit d'un terrain agricole privé dont le prix est estimé à 300 millions de centimes. L'agence l'a évalué à 12 milliards”, plaide-t-il. Il demande, enfin, au tribunal de reconnaître les accusés coupables. L'avocat de la partie civile, constitué par la wilaya, estime pour sa part que le problème du foncier à Oran n'a pas éclaté en 2001, mais depuis 1998. Les premiers avocats qui ont plaidé ont mis l'accent sur le respect de la loi par leur mandant. C'est ainsi qu'ils évoquent l'inexistence de textes concernant le quota des walis. Comme aucune référence ne précise à qui sont destinés les logements, les terrains et les locaux faisant partie du quota, le wali peut alors les distribuer selon son pouvoir discrétionnaire. Quant aux reventes des bien acquis, les avocats jugent “qu'une foi les actes notariés dressés, les biens ne font plus partie des biens publics et deviennent de facto des biens privés appartenant en toute propriété aux acquéreurs”. Le verdict est attendu pour aujourd'hui. S. I.