Le procès en appel de l'ancien wali d'Oran, Bachir Frik, est revenu hier au tribunal criminel de la cour d'Alger, après que les pourvois en cassation introduits auprès de la Cour suprême ont été approuvés. Seuls quatre accusés, sur la quarantaine qui avait comparu en première instance, étaient présents au box. Frik Bachir, ex-wali, et Laoufi Tayeb Cheikh, ex-directeur de l'agence foncière d'Oran, tous deux condamnés à 8 ans de réclusion criminelle ; Belas Hacène, ex-directeur des domaines d'Oran, condamné à 5 ans de réclusion criminelle ; Makhloufi, ex-responsable de l'OPGI d'Oran, contre lequel une peine de 3 ans de réclusion criminelle a été retenue. Dix-sept accusés ont bénéficié d'un non-lieu auprès de la chambre d'accusation. Dix-sept autres ont, par contre, été touchés par la prescription. Après la désignation des jurés et la lecture de l'arrêt de renvoi, le président appelle le premier accusé, Belas Hacène, à la barre. Poursuivi pour détournement de foncier et abus d'autorité, l'ancien dirigeant des services des domaines nie tout en bloc, même si parfois le juge le piège par certaines questions, notamment celles liées à la cession d'un terrain dans le cadre du Calpi pour la réalisation d'une clinique et d'un parking, mais qui a été détourné de sa vocation. « Pourquoi n'avez-vous pas mentionné les conditions de cession sur l'acte administratif ? », interroge le magistrat. L'accusé : « Il y a un cahier des charges où toutes les conditions sont portées. » Le magistrat revient à la charge : « Je ne parle pas du cahier des charges, mais de l'acte qui a permis au bénéficiaire de vendre l'assiette. » L'accusé maintient ses propos et insiste sur le cahier des charges. Le juge demande à l'accusé de s'expliquer sur la cession d'un terrain de 628 m2 situé à Fellaousène. Belas précise que c'est sur ordre de la wilaya que la régularisation de ce dossier a été effectuée. « Comment se fait-il que les domaines cèdent un terrain au père de Laoufi (directeur OPGI) au prix de 360 000 DA pour être revendu à 3 millions de dinars ? », demande le magistrat. L'accusé : « Je n'ai pas signé l'acte, ce dernier a été établi par le chef de service qui a les mêmes prérogatives que les miennes. » Le juge : « Un chef de service ne peut pas avoir les mêmes prérogatives qu'un directeur. » Belas garde le silence, puis lance : « Je ne me rappelle pas. » Le magistrat lui fait savoir qu'une note interministérielle datant de mai 1995 interdit la cession à l'amiable. « Je ne l'ai pas vue. » Concernant le terrain de 2 ha cédé par les domaines pour le ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication puis réaffecté à un particulier : « C'est la wilaya qui nous a saisis pour le réaffecter. » Le magistrat rappelle à Belas que ce même terrain qui englobe un espace vert a été revendu. « Je ne suis pas censé le savoir », dit-il avant de céder la place à Laoufi Tayeb Cheikh, ex-directeur de l'agence foncière d'Oran. Lui aussi nie toutes les accusations et estime qu'il a fait l'objet d'une machination. Le juge lui demande d'expliquer les lots de terrain cédés à son épouse, son frère et son père. « Je n'ai rien cédé. Ils ont acheté dans le cadre de la loi comme tout le monde », révèle Laoufi. Il affirme avoir refusé de céder aux pressions lorsque le wali l'a chargé de la mission de cession des biens domaniaux dans le cadre des coopératives immobilières. « J'ai refusé parce que je savais ce qu'il y avait comme trafic dans ces coopératives. » Le juge revient sur le terrain de l'épouse de l'accusé. Ce dernier note que sa femme, pharmacienne, a acheté un lot de 204 m2 comme les 29 acquéreurs. Il précise qu'il n'a aucun pouvoir décisionnel, puisque c'est le conseil d'administration qui délibère. Il relève que l'agence a vendu 500 lots de terrain en 5 ans, alors que la wilaya en a vendu 30 000. « Celui qui m'a impliqué dans ce dossier l'a fait d'une manière très intelligente », lance-t-il. « Comment le docteur Bouarfa a-t-il acheté le terrain à 750 000 DA pour le revendre à 5 millions de dinars ? », demande le juge. L'accusé : « Ce sont des prix commerciaux. » Le magistrat revient sur le terrain qui devait abriter un projet dans lequel le père de l'accusé est associé. L'accusé parle rapidement, saute d'un sujet à l'autre, au point de faire réagir le président. « Doucement, répondez à mes questions : avez-vous dilapidé les deniers publics ? » L'accusé : « Jamais, bien au contraire, l'agence a toujours été bénéficiaire. » Laoufi continue tout au long de l'interrogatoire de nier les faits qui lui sont reprochés, avant que Makhloufi Chaâbane, directeur de l'OPGI d'Oran, ne soit appelé à la barre. Les auditions se sont poursuivies très tard dans la soirée et reprendront aujourd'hui. Une cour aussi importante n'a pas prévu une équipe médicale de secours sur les lieux.