La professeure et auteure Anne roche, spécialiste des littératures française et francophones des XXe et XXIe siècles à l'université d'Aix-Marseille, a publié cette année aux éditions Casbah, l'essai Algérie : textes et regards croisés, un volumineux ouvrage dans lequel elle traite de la littérature francophone maghrébine en général, et algérienne en particulier. Les œuvres de Mohamed Dib, Assia Djebar, Kateb Yacine, Mouloud Mammeri ou encore Tahar Djaout sont le matériau essentiel de ces analyses, fruit de longues années de recherche et de questionnement. Même si cette œuvre conséquente aborde des pans entiers des écritures et littératures en contexte colonial, la docteure en lettres avoue toutefois avoir découvert ces "écritures" au hasard de la sollicitation de l'un de ses étudiants pour son mémoire de maîtrise. "Dans ma génération écrit-elle, la classe de français ignorait les textes écrits en français hors de l'Hexagone, à l'exception de Jean-Jacques Rousseau, d'Emile Verhaeren et de quelques autres". "Pourtant, poursuit-elle Aimé Césaire, Frantz Fanon, Albert Memmi avaient déjà écrit leurs mises en question majeures du discours impérial, mais cela n'avait pas pénétré dans les canons des études françaises". Dans la postface, elle souligne que ce travail lui a donné l'occasion de "retracer une part essentielle de sa recherche et de son enseignement" et qu'elle a "tenu à le proposer à une maison d'édition algérienne — reconnaissance de dette, qui n'effacera certes pas le crime initial de 1830, mais qui tente de construire des passerelles entre les cultures sans oblitérer les violences de l'histoire". Dans la première partie, elle traite des études postcoloniales, en relevant que si les littératures issues d'un contexte colonial faisaient dans le "mimétisme" à leur début, elles sont peu à peu devenues des littératures "originales mais marginales". Dans la deuxième partie intitulée "lectures rapprochées", — la plus conséquente de l'ouvrage — elle décrypte les mutations et les spécificités de la littérature dite de "la première génération, dont les figures de proue furent Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, ou encore Mohammed Dib". Pour ce faire, elle s'appuie sur les œuvres de Mouloud Mammeri, qui témoignent d'un changement de forme et de contenu, mais qui prennent tout leur sens qu'en "référence aux notions de traditions et de subversion". Plus loin, elle s'attarde sur "l'insertion des mots étrangers et les effets de lecture" dans l'œuvre de Mohamed Dib, où les mots arabes, berbères et espagnols sont dominants, suivis de mots anglais, russes ou finnois, dans la trilogie nordique. Yasmine Azzouz Anne Roche, Algérie, textes et regards croisés, éditions Casbah, 387 pages. 2017