L'Algérie se montre prudente dans sa politique de coopération avec l'Union européenne sur plusieurs chapitres dont la migration. Il existe des divergences de vues entre Alger et Bruxelles sur le dossier de la migration irrégulière. Du point de vue européen, l'approche suivie par l'Algérie n'épouse pas tous les contours de la question migratoire. Les Européens émettent des critiques à peine voilées sur le fait qu'Alger ne se montre pas enthousiaste au sujet de la mise en place du fonds fiduciaire d'urgence de l'Union européenne pour l'Afrique. Le fonds est, en fait, le bras financier de l'UE dans la gestion des flux migratoires, une caisse de 1,8 milliard d'euros issue du budget de l'UE et du Fonds européen de développement (FED). La Commission européenne l'a lancé en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique. Cette enveloppe sera complétée par des contributions des Etats membres de l'UE et d'autres donateurs. Les contributions des Etats membres s'élèvent jusqu'ici à 81,3 millions d'euros environ et l'UE en attend davantage. Un fonds fiduciaire est un mécanisme innovant, prévu dans le règlement financier de l'UE, qui est utilisé dans le domaine de la coopération au développement pour mettre en commun des ressources importantes provenant de différents bailleurs de fonds dans le but d'apporter une réponse "rapide", "commune", "complémentaire" et "souple" aux différentes dimensions d'une situation d'urgence. Le fonds fiduciaire profitera à toute une série de pays d'Afrique situés sur les principales routes migratoires africaines à destination de l'Europe. Ces pays comptent parmi les plus fragiles et les plus touchés par les migrations, et tireront le plus grand bénéfice de l'aide financière de l'UE. Les pays et régions concernés sont la région du Sahel et le bassin du lac Tchad : le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Sénégal ; la Corne de l'Afrique : Djibouti, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Kenya, l'Ouganda, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud et la Tanzanie ; l'Afrique du Nord : l'Algérie, l'Egypte, la Libye, le Maroc et la Tunisie ; les pays voisins des pays éligibles peuvent également bénéficier, au cas par cas, de projets financés par le fonds fiduciaire qui présentent une dimension régionale, afin de gérer les flux migratoires régionaux et les défis transfrontaliers qui y sont liés. L'Algérie, cela ne l'emballe pas. "Jalouse de sa souveraineté", selon les propos d'un fonctionnaire européen, elle se montre "prudente" dans sa politique de coopération avec l'Union européenne sur plusieurs chapitres dont "la migration". Le pays veut discuter "d'égal à égal avec ses partenaires, être associé à toutes les étapes de la prise de décision ; en coopération, il n'y a pas d'amis et pas d'ennemis, mais il y a des intérêts à défendre ou à préserver", insiste-t-on à le souligner du côté algérien. Et d'ajouter que telle qu'énoncée, l'approche européenne renvoie à une "vision étriquée" consistant à mettre en place des postes avancés en dehors de l'Europe pour le contrôle des flux migratoires. Deux documents conjoints complémentaires ont été finalisés et adoptés à Alger, il y a quelques mois, portant sur l'évaluation de l'accord d'association, mais également sur les priorités communes (la migration en est une) relatives à la politique européenne de voisinage révisée (PEV), dans le cadre du renforcement des relations globales entre l'Algérie et l'Union européenne. L'approche algérienne sur la migration fait partie des chapitres thématiques phares placés à un rang plus élevé dans l'ordre des priorités à discuter entre les deux partenaires. Y. S.