Les concessions du citoyen vont jusqu'à admettre une vente concomitante : pour un sachet de lait, il faut acheter du lait caillé ou du petit-lait. La commercialisation du lait en sachet subventionné enregistre des perturbations de plus en plus persistantes sur le marché national. Ni les quantités suffisantes de poudre de lait importée ni les capacités de production maximales exploitées par les usines n'ont pu garantir une offre adéquate de ce produit aux consommateurs. Depuis plusieurs mois, le citoyen n'arrive plus à se procurer, de manière régulière, le sachet de 25 DA. Il est contraint de se lever très tôt le matin et de faire la chaîne pour obtenir un litre de lait. Des files d'attente interminables se forment ainsi devant les magasins. Les citoyens de tous les quartiers, des communes, voire des wilayas ciblées par ces tensions, font, au quotidien, la tournée des épiceries dans l'espoir de se procurer cet aliment vital. Souvent, ils reviennent bredouilles, mais ceux qui peuvent se le permettre, jettent leur dévolu sur le lait conditionné UHT. Ce n'est pas le cas de la majorité des consommateurs car le lait conditionné en brique, compte tenu de son prix, reste inaccessible pour eux. Autre raison, c'est que le prix d'un litre de lait UHT équivaut à celui de quatre sachets. Parfois, le consommateur fait des sacrifices et accepte de payer le sachet 35 DA, voire 40, chez certains commerçants indélicats. Il est obligé de le faire, même s'il sait que le prix est soutenu par l'Etat et que sa révision à la hausse est une infraction. Les concessions du citoyen vont jusqu'à admettre une vente concomitante : pour un sachet de lait, il faut acheter du lait caillé ou du petit-lait. L'autre formule consacrée dans le jargon des commerçants est celle d'"un litre de lait cru pour deux litres de lait pasteurisé". Ce sont là quelques images et autres pratiques d'une époque que l'on croyait révolue mais qui refont surface de nos jours. Ces épiciers soutiennent qu'ils n'ont pas eu les quantités commandées. Il est vrai que certains distributeurs dictent leur loi et approvisionnent les magasins à la tête du client, selon les affinités. Ils avouent que la pénurie est due essentiellement à la réduction des quantités de la matière première destinées à la production. Des laiteries publiques et privées, indiquent-ils, vivent la même situation. Mais cela ne constitue pas une raison valable pour que le commerçant limite la quantité à vendre aux clients présents et cache un lot considérable de sachets dans l'arrière-boutique destiné à "ses propres" clients... Ce constat doit interpeller le ministère du Commerce, appelé à diligenter des enquêtes dans ce sens et à dépêcher ses agents pour un contrôle rigoureux de cette catégorie de commerçants opportunistes et malhonnêtes. Le gouvernement est, pour le moment, dans l'incapacité de régler la problématique de ces pénuries cycliques du lait. Inconcevable. 55 ans après son indépendance, l'Algérie est incapable d'assurer un sachet de lait de manière régulière à sa population ! Le président de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa), fraîchement élu, Djamel Taklicht, estime que la filière fait l'objet de "tbezniss" (d'"affairisme") animé par certains fournisseurs de poudre de lait. Pour le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, "plus de 80% de la production nationale de lait est transformée en yaourts et fromages". Il est temps, ajoute-t-il, que le "lait subventionné profite aux nécessiteux". Le ministre a même chargé les walis de prendre les mesures adéquates contre les transformateurs qui détournent la poudre de lait subventionnée pour la fabrication d'autres produits laitiers. En fait, cette pénurie subie ou provoquée serait-elle liée à une quelconque réduction des quantités de poudre de lait, comme l'ont affirmé les distributeurs ? "Non, jamais", a déclaré Fethi Messar, directeur général de l'Office national interprofessionnel du lait (Onil). "Nous n'avons pas procédé à des diminutions de lots de matière première destinés aux laiteries. Mieux, les stocks emmagasinés tiendront jusqu'à la fin de l'année en cours soit une prévision de 8 mois", avoue-t-il. B. K.