Mustapha Ayad se confie de tendres aveux dans son livre-témoignage qu'il dédicace à Rouiched mon père, mon ami, publié aux éditions Dar El-Houda à l'occasion du 22e Salon international du livre d'Alger (Sila). Les fans qui croyaient tout connaître de Rouiched pour s'être lové dans le giron de ses "Mémoires" doivent se rendre à l'évidence qu'ils ne savent rien du personnage, si ce n'est qu'il était natif de l'îlot de Bir Djebah, à la rue Boudriès père et fils (ex-Thèbes) près de Qahwat Châamba dans la Haute-Casbah. Non ! Ses fans avaient tout faux sur ce chahuteur de "Ya Ouled", qui chauffait le banc de l'école Brahim-Fatah, sise au bd Hahad-Abderrezak (ex-Verdun) que les Casbadjis appelaient affectueusement "mcid Fatah". Donc, autant avouer qu'on ne peut dire davantage sur l'espiègle cireur qu'il était, même s'il nous a légué ce "témoignage vivant sur l'Algérie contemporaine" qu'avait écrit son ancien compagnon de geôle coloniale, feu Rachid Sahnine, aux éditions Publisud (1990). Alors qui peut dire plus sur l'homme d'abord, puis le père et le comédien qu'était Ahmed Ayad ? Son fils pardi ! Mustapha Ayad qui se confie de tendres aveux dans son livre-témoignage qu'il dédicace à "Rouiched mon père, mon ami" publié aux éditions Dar El-Houda à l'occasion de la 22e édition du Sila 2017. On eut dit à ce propos qu'il s'agît plutôt d'un show de souvenirs ou de préférence, l'ultime revue d'artistes, où l'héritier Mustapha Ayad esquisse trait pour trait le portrait de son papa avec l'aide du journaliste Djamel Bouda. Et dire que l'on s'esclaffait béatement sur les mésaventures de "Hassan Terro, ce roi de la Casbah" (1963), alors qu'il s'agissait d'un vécu, du temps de l'historique zone autonome d'Alger, lorsqu'il hébergeait le chahid Ahmed Bouzrina dit "H'didouche" ou "Khali", qui lui a valu d'être arrêté et soumis à l'ignoble "question" par les tortionnaires du colonel Marcel Bigeard. Chef de famille précoce, ce bourgeon de la résistance avait fait sien la devise : "Indépendance, Liberté, Frère et Un seul héros le peuple". Et, pour nourrir les siens, Rouiched s'était improvisé marchand de légumes à Azeffoun, d'où il était originaire : "De la Casbah des pauvres, de l'injustice du colon à l'analphabétisme", Rouiched n'avait d'yeux que pour sa famille mais aussi pour sa pièce de théâtre prémonitoire pour l'Algérie et qu'il avait intitulée ardemment "Houria" (Liberté). Ce qui lui a coûté d'être convoqué au commissariat de police pour propos subversifs ! Et d'une "tabla" de cacahuètes à la scène, il n'y avait qu'un pas qu'il avait vite franchi grâce à Amar Guitara, où Rouiched incarna le rôle d'un "chaouch" (planton) dans une pièce intitulée Estardjal Ya Si (Réveille-toi, ô toi l'inconscient) sous l'étendard du PPA. Militant précoce, Rouiched interpréta aussi un rôle dans L'endormi qui autoflagella les consciences d'un peuple qui n'avait que trop dormi. Autre révélation, le défunt devait son nom de scène à la défunte comédienne et chanteuse Abbas Aouda alias Latifa (1926-2007), qui l'avait affublé du pseudonyme de Rouiched, afin de le différencier de l'humoriste-chansonnier qu'était Rachid Belakhdar dit Rachid Ksentini (1887-1944). "C'était un honneur pour moi de remplacer Rachid Ksentini, le Charlot arabe" qu'il disait Rouiched. Autre confidence, l'envie de voir du pays qui avait poussé Rouiched à s'aventurer en "harrag", bien avant l'avènement des "harraga". D'où peut-être L'évasion de Hassan Terro (1974) qui fut aidé par un bombardier italien. Seulement, on n'en dira pas plus pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur à feuilleter le livre-aveu stylisé de l'affection de Mustapha Ayad, où nous avons su qu'"Ah ya Hassan" (1978) n'était pas aussi "Nya" que ça, puisqu'il avait plus d'une planche à son jeu scénique ! En revanche, le voisinage savait qu'il adoucissait son S'bah El-Kheir d'un sourire qui était le prélude à la joie de vivre, lors d'une rencontre fortuite du côté du balcon de Saint-Raphaël à El-Biar, où il humait l'air de bled Sidi Abderrahmane. Jovial, Rouiched l'était tout le temps, jusqu'à la tombée de rideau en ce jour funeste du 28 janvier de l'an 1999, où il avait tiré sa révérence à l'opéra Mahieddine-Bachtarzi d'Alger. Il s'en est allé, non sans avoir redoré le blason des "Bouaboune" (Concierges), c'est ce qui a fait dire à l'ancien ministre de la Culture Hamraoui Habib Chawki cette oraison funèbre pour Rouiched : "Même dans sa mort, Rouiched affiche complet." Adieu l'artiste, tes fans prendront soin de ton "Amana pouf". Louhal Nourreddine