Accusés d'avoir versé dans “l'excès”, la presse algérienne a été amenée, sous diverses formes de pression, à tempérer ses ardeurs. La prison et le harcèlement judiciaire, tels ont été les châtiments réservés à la presse indépendante, au lendemain de l'élection présidentielle du 8 avril 2004. Elle devait payer le prix de ses “excès”. Le verdict n'a pas tardé à tomber. Mohamed Benchicou a été jeté en prison. Sa publication, un des plus grands tirages de la presse nationale, est fermée. La sanction est lourde. Le pouvoir veut en faire un exemple en montrant qu'il pouvait aller plus “dans les représailles”. Les pressions ont été si pesantes que les autres titres ont été amenés, sous diverses formes de contrainte, procès en cascades, à atténuer leurs commentaires et à ramollir leurs lignes éditoriales. Ni la mobilisation de la corporation ni les critiques des organisations internationales n'ont réussi à faire fléchir le pouvoir dans sa démarche liberticide. Plus d'une année après l'élection du 8 avril, le harcèlement judiciaire contre les journalistes, caricaturé dans ce qui est appelé désormais “les mardis de la presse” du Palais de justice, persiste. Plusieurs condamnations ont été prononcées, tout récemment, contre cinq journalistes du quotidien le Matin dont le directeur, Mohamed Benchicou, qui voit encore sa peine de deux ans, qu'il est en train de purger à la prison d'El-Harrach, s'alourdir de cinq mois. En fait, il existe une volonté manifeste d'élargir la chape de plomb qui frappe les médias du secteur public, presse écrite et médias lourds confondus, aux journaux privés. Comme l'avait déclaré le candidat Bouteflika à la veille de la campagne électorale, en mars 2004, le secteur de l'audiovisuel ne sera pas ouvert, de crainte, disait-il, de ne pas reproduire l'expérience de la presse indépendante qui a créé la confusion dans le pays. L'ENTV restera “Unique”, et toute la corporation demeurera régie par un seul et unique texte : le code pénal. Toutes les tentatives d'organisation du secteur, les projets de loi sur l'information, et la publicité, n'ont toujours pas vu le jour. La précarité de la profession semble être entretenue à dessein : le musellement des libertés. Les beaux discours distillés à l'occasion de la journée internationale de la presse dont la célébration est placée, cette année, sous le slogan de la dépénalisation du délit de presse, ne peuvent cacher la réalité de la presse algérienne. Les faits sont têtus. La série de procès en cours contre les journalistes, et les dernières condamnations sont là pour témoigner de la volonté du pouvoir à tirer un trait sur des acquis arrachés de haute lutte. K. D.