La première session criminelle de l'année judiciaire 2018 ouverte, hier, au palais de justice de Constantine, ne manquera pas de focaliser l'attention de l'opinion publique locale et même nationale dès le 1er février prochain. Pour cause, le rôle de celle-ci mentionne la programmation, à cette date, du procès des présumés coupables de l'enlèvement du nourrisson Leith Kaoua du service de maternité du CHU Ibn-Badis de Constantine en 2014. Une affaire qui a défrayé la chronique au-delà même des frontières de la wilaya et soulevé de vives réactions d'indignation et de consternation à l'époque, y compris celles des ministres de la Santé et de la Justice. Un procès auquel manquera à l'appel, l'accusée principale B. Z., une (ex) employée de la subdivision de l'OPGI, chez laquelle le bébé Leith a été retrouvé sain et sauf, quinze jours après son enlèvement, à Tamalous dans la wilaya de Skikda. Décédée en prison après deux années et demi d'incarcération, B. Z. emportera certainement avec elle des détails importants sur les péripéties de cette affaire. Par contre, son propre mari S. N., chauffeur de son état et qui serait l'auteur du kidnapping avec d'autres complices, comparaîtra en compagnie de cinq autres accusés. Il s'agit de M. G., employé au service de maternité du CHU de Constantine, M. B. qui a eu un rôle intermédiaire entre la famille des kidnappeurs et les employés de la maternité, N. S., une infermière du même service, A. L., la sage-femme accusée de falsification de documents administratifs ayant facilité l'enlèvement du bébé et B. Z. Plusieurs chefs d'inculpation concernent les autres prévenus selon le degré d'implication de chacun, à savoir la constitution d'une bande de malfaiteurs, enlèvement d'un mineur, faux et usage faux, corruption, port d'arme blanche prohibée et complicité. Le petit Leith, qui a trois ans et demi aujourd'hui, semble avoir une vie paisible auprès de ses parents, ignorant que son nom restera lié à cette affaire qui avait fait les gros titres de la presse nationale en 2014, suscitant une vague d'indignation mais aussi un grand élan de solidarité exprimée à l'époque, aux quatre coins du pays. Son père Farid Kaoua que nous avons contacté, reste lui, déterminé à poursuivre les auteurs de ce crime dont les séquelles sont indélébiles, pour que justice soit faite. "C'étaient des moments terribles, nous ne pouvions ni manger ni dormir, nous avions imaginé les pires des scénarios pensant que notre fils allait connaître le même sort que celui des enfants Haroun et Brahim enlevés et retrouvés morts quelques jours plus tard. Notre douleur a été immense et cette affaire nous a marqué à jamais et nous remercions Dieu qu'elle se soit terminée ainsi", nous confiera-t-il, ému. Et d'ajouter : "Tout le monde nous a aidé durant cette épreuve, les proches, les voisins, et mêmes des gens que nous ne connaissions pas." Bébé ictérique enlevé tôt dans la matinée du 27 mai 2014, de sa couveuse à la nurserie du CHU où il subissait une photothérapie dès la première semaine de sa naissance, le rapt du petit Leith occasionnera les cris de détresse déchirants et des scènes intenables de ses parents implorant la pitié des ravisseurs, relayés par les médias mais restés vains en dépit de l'extraordinaire élan de solidarité. Solidarité exprimée par des citoyens anonymes qui avaient tenu des sit-in et organisé des marches pour demander aux autorités de tout mettre en œuvre pour retrouver Leith, notamment sous une pluie battante en ce jour du 1er juin 2014 qui coïncidait avec la Journée internationale de l'enfance. Les investigations-auditions menées pendant deux semaines dans une totale discrétion avaient fini par fixer les enquêteurs de la police judiciaire relevant de la sûreté de wilaya de Constantine et la Gendarmerie nationale sur la piste des ravisseurs. Leith Kaoua est retrouvé sain et sauf dans l'après-midi du vendredi 13 juin 2014 à Tamalous, dans la wilaya de Skikda, au domicile de B. Z. Un happy end célébré dans tout le pays pour une affaire qui dévoila la légèreté qui prévalait dans le fonctionnement des établissements de santé publique où l'insécurité, l'insalubrité et le laisser-aller sont légion. Ines Boukhalfa