"Ne croyez pas ce qu'on dit de nous, nous ne refusons pas d'aller travailler à l'intérieur du pays, nous ne refusons pas de soigner la population", ont souligné les délégués du Camra à la fin de la manifestation. C'est une véritable marée humaine qui a battu le pavé, hier, à Oran. Des milliers de blouses blanches, des médecins résidents mais pas seulement, ont participé à la marche nationale organisée par le Camra, faisant de cette journée du 9 janvier et de cette manifestation un événement qui fera date dans l'histoire récente de ce mouvement de protestation. La marche d'hier revêtait un caractère particulier après les répressions policières, décriées de toutes parts, qui avaient entaché la tentative de marche d'Alger, et la réaction sur le terrain est venue de tous les corps de la santé. En effet dès 9h30, des milliers de médecins résidents, regroupés dans l'enceinte du CHU d'Oran, ont été rejoints par des chefs de service, des professeurs, des maîtres assistants, y compris des paramédicaux, des étudiants et des médecins privés. Les images des médecins résidents, le visage en sang, évacués aux urgences, ont choqué toute la corporation qui s'est retrouvée réunie hier, malgré les différences. La veille, les délégués du Camra ont reçu l'accord des autorités locales pour organiser cette marche, encadrée par un impressionnant cordon des forces de l'ordre afin d'assurer la sécurité des manifestants durant toute la marche. La pression des présents venus de différentes wilayas du Centre, de l'Est et de l'Ouest, à l'exemple de Blida, d'Alger, de Béjaïa, de Constantine, de Sidi Bel-Abbès, de Tlemcen..., ainsi que les 11 facultés à l'échelle nationale, ont obligé les organisateurs à donner le coup d'envoi de la marche plus tôt que prévu avec "leurs aînés", les professeurs qui, symboliquement, ont marché avec eux dans l'enceinte de l'hôpital en tête du cortège, certains faisant même un bout de chemin avec les résidents. Et très rapidement, on constatera que la mobilisation d'hier dépassait les attentes des médecins résidents qui annonceront 15 000 participants alors que la police donnera le chiffre de quelque 5 000 marcheurs. Des banderoles, des pancartes avec les photos des médecins tabassés à Alger, le visage et les blouses maculées de sang, sont brandies tout au long du cortège qui s'étirait sur plusieurs kilomètres, dès la sortie du Chuo. Les slogans repris par des milliers de voix fusent et résonnent dans les rues sur le boulevard menant au siège de la direction de la santé, devant les locaux régionaux de l'Entv, puis devant le siège de la wilaya, jusqu'au pont Zabana. La progression de la marche se fait lentement avec plusieurs haltes pour des messages forts devant la Cnas, la DSP, alors que les résidents s'organisent et canalisent l'avancée de leurs camarades. À proximité de la wilaya, alors que la manifestation progresse depuis plus d'une heure, avec les carrés de milliers de résidents qui s'étirent, quatre dames âgées disent leur soutien aux médecins, lançant à leur intention des youyous chaleureux. À 12h30, la marche parvient à son point final, le rond-point du pont Zabana, avec toujours les mêmes slogans, les sifflets, les applaudissements, et dans la discipline, sans qu'aucun incident signalé. Des professeurs nous ont confié se solidariser avec les résidents, dénonçant la violence brutale contre ces derniers à Alger : "Même si on n'est pas d'accord avec toutes leurs revendications, on ne peut accepter cette violence sur nos jeunes qui seront demain l'élite du pays." Les délégués du Camra feront une déclaration à la presse pour se féliciter de la réussite de cette grande marche et annoncer que le mouvement de grève et la mobilisation se poursuivent dans l'attente d'une réaction pratique de la tutelle. Les résidents du Camra réfutent du même coup, et avec force, les allégations de violence à l'égard des forces de l'ordre, et de rappeler que les images et les vidéos sont parlantes. Avant de mettre fin à leur marche et revenir vers le CHU, les délégués lanceront un message à la population : "Ne croyez pas ce qu'on dit de nous, nous ne refusons pas d'aller travailler à l'intérieur du pays, nous ne refusons pas de soigner la population, tous les Algériens ont droit à la santé, mais nous voulons avoir les moyens pour le faire." Et d'expliquer que les principales revendications restent en l'état pour eux. En fin de journée, un communiqué devait être rendu public par le Camra sur la suite du mouvement de protestation. Soutien du conseil de l'ordre Le conseil de l'ordre des médecins a pris part à la marche des médecins résidents par l'intermédiaire de son président de la section régionale d'Oran, Mohamed Belbachir, qui n'hésitera pas, avec force et émotion, à dénoncer la "violence qui s'est manifestée contre des médecins dans l'enceinte d'un hôpital, c'est une brutalité gratuite et préméditée, il est inacceptable d'avoir même utilisé des tasers contre des médecins". Et d'estimer que le conseil de l'ordre n'a pas à se prononcer sur les revendications socioprofessionnelles des médecins, mais de préciser quand même qu'ils rejoignent une revendication des médecins résidents s'agissant du service civil tel qu'imposé dans sa forme actuelle. "Nous dénonçons la forme archaïque inefficace du service civil qui va à l'encontre des intérêts des malades. On affecte des médecins sans leur demander leur avis, sans tenir compte des plateaux techniques qui n'existent pas ou s'il s'agit d'équipes de personnels paramédicaux adaptés à la spécialité..." D. Loukil