Derrière ces cafouillages apparaît en filigrane un manque de fluidité dans la prise de décision économique. Le consensus est loin d'être dégagé sur les privatisations des entreprises publiques. En effet, une lettre adressée par le président de la République aux ministres somme le gouvernement de "subordonner désormais tout projet d'ouverture du capital ou de cession d'actifs de l'entreprise publique économique à l'accord, préalable, du président de la République", lit-on dans le texte. "La décision finale conclue reste également la seule prérogative décisionnelle du chef de l'Etat", lit-on dans la directive. L'instruction fait référence à l'ordonnance du 20 août 2001 relative à l'organisation, à la gestion et à la privatisation des entreprises publiques et économiques, modifiée et complétée. Ce texte est interprété comme une annulation de toutes les décisions des Conseils des participations de l'Etat portant sur la privatisation d'entreprises publiques. "Cette instruction présidentielle arrête le processus d'ouverture du capital des entreprises publiques ouvert par la charte sur le partenariat public-privé, signé récemment lors de la dernière tripartite par le gouvernement, l'UGTA et les organisations patronales (et contesté par le FLN)", d'après des lectures de la presse. Ce document concernait la privatisation des petites et moyennes entreprises. La lettre annule, également, selon ces interprétations, la privatisation des grandes entreprises publiques, même si la charte ne prévoit pas cette option. En fait, la directive ne fait aucun cas d'une annulation des opérations d'ouverture du capital ou privatisations prévues par la charte ni du partenariat public-privé. Elle prévient seulement que les décisions définitives d'ouverture du capital ne peuvent être prises en particulier en Conseil des participations de l'Etat présidé par le Premier ministre, mais qu'elles doivent avoir l'aval en dernier ressort du président de la République. Le chef de l'Etat ôte, en fait, cette prérogative, en matière de privatisation, au Premier ministre. Il faut rappeler que la première opposition à cette démarche d'Ouyahia a été, rappelons-le, le FLN, qui a organisé, par la suite, une tripartite bis où Ould Abbes, le secrétaire général de ce parti, s'est réuni avec Sidi-Saïd et Ali Haddad, le patron du FCE, autour de cette charte pour imposer le droit de regard du FLN sur les privatisations. Ce dernier a fait valoir à ses interlocuteurs que la privatisation des entreprises stratégiques est exclue. Il s'agit d'une option présidentielle tout comme la défense du secteur, a-t-il martelé. Tout semble rimer avec le partage du gâteau des privatisations que tentent de se disputer des clans au pouvoir. Le FLN veut avoir un droit de regard sur ces opérations. D'autant que les privatisations à la mode Ouyahia laissent peser le risque que les cessions d'entreprises publiques profitent aux oligarques. En effet, la charte signée par le gouvernement et ses partenaires de la tripartite consacrent un passage très bref au gré à gré. Aucun mot sur les verrous qui devraient être mis en place pour éviter les détournements des opérations de privatisation. Aucun mot sur la transparence nécessaire dans les cessions au gré à gré. Ce qui rend cette démarche suspecte. Il convient de noter que la méthode d'Ouyahia sur ce dossier a prêté le flanc à une aile au pouvoir opposée à ses ambitions politiques. En outre, il a "emballé les privatisations ou ouverture du capital sous le vocable partenariat public-privé dans la charte dite sur le partenariat public-privé, mais qui consacre principalement l'ouverture du capital des entreprises publiques". En fait, le partenariat public-privé ne peut constituer l'intitulé de cette charte puisque le document ne s'appuie pas, sur ce point, sur un cadre légal. Tout simplement parce que la mouture du projet de loi sur le partenariat public-privé attend son adoption par le gouvernement depuis plus plus d'un an. À noter que cette démarche n'a pas été précédée par une large concertation et n'a pas recueilli, au préalable, un large consensus des experts et des acteurs économiques et sociaux. K. Remouche