J'ai I'insigne grand honneur de lire devant vous le message de Son Excellence le président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika et procéder à I'ouverture de cet important événement. Aussi, permettez-moi de commencer par remercier tous les organisateurs qui nous réunissent ce matin afin de débattre de questions cruciales pour I'avenir de notre pays. Je tiens à vous dire tout l'intérêt qu'accorde le gouvernement à la question énergétique du fait même qu'elle représente le soubassement de notre développement économique et social. La transition énergétique est également au cœur de nos préoccupations parce que nous considérons justement qu'il est primordial que notre développement économique soit sécurisé tout en devenant de moins en moins dépendant des ressources fossiles. À ce propos, je voudrais rappeler que cette question fait l'objet d'une attention particulière par les pouvoirs poublics. Nous avons hissé le programme des énergies renouvelables au rang de priorité nationale. Cette importance a été intégrée dans le programme du gouvernement qui vise principalement la sécurisation de l'approvisionnement à long terme du pays et la diversification de ses ressources énergétiques. Dans mon intervention, je commencerai d'abord par quelques rappels importants qui expliquent et renseignent sur la situation actuelle, mais encore sur notre vision pour les deux prochaines décennies, et ce, dans l'esprit de la thématique centrale de ce séminaire. Mais avant, permettez-moi ces quelques réflexions sur le concept de "transition énergétique" qui doit être adapté pour le cas de l'Algérie, en tant que pays producteur et exportateur d'hydrocarbures, ressources carbonées qui pèseront encore longtemps sur son économie et sur son modèle énergétique, et ce, abstraction faite des efforts que nous menons et que nous mènerons sur le registre des renouvelables. En effet, il faut savoir que l'économie mondiale dans son ensemble restera encore largement dominée par les hydrocarbures pour plusieurs décennies à venir, selon les projections d'institutions spécialisées dont les toutes dernières de l'Opep. Le concept de transition, né en Europe de l'Ouest dans des pays aux profils énergétiques clairement distincts du nôtre, ne peut être retenu tel quel par l'Algérie, bien que nous partagions certaines préoccupations communes, notamment en ce qui concerne la nécessité de couvrir nos besoins énergétiques à long terme et le souci d'une préservation de I'environnement et de lutte contre le rechauffement climatique. En effet, I'Algérie a déjà connu une première "transition énergétique" dans les années 60-70, grâce au développement de ses ressources en hydrocarbures. Ainsi, le pays a mis fin à I'utilisation dominante de certaines formes "d'énergies traditionnelles" comme le bois et les déchets d'animaux dans les campagnes, ainsi que le charbon (coke), le pétrole lampant (kérosène) et le fuel, et ce, par la promotion de formes modernes d'énergie (butane, gaz naturel et électricité) à moindre empreinte environnementale et dont I'accès pour tous a été généralisé à travers des efforts considérables de l'Etat (mise à disposition à travers tout le territoire, prix abordables...) Ce fut-là, une révolution silencieuse mais une amélioration spectaculaire du niveau et de la qualité de vie des Algériens, ce fut aussi une amélioration indeniable en matière de respect de I'environnement, y compris par la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et donc dans la lutte contre le changement climatique, si présent de nos jours sur les agendas internationaux. Mesdames et Messieurs, L'Algérie dispose de réserves prouvées récupérables d'hydrocarbures de plus de 4 000 milliards de tonnes équivalent pétrole (Tep) dont plus de la moitié en gaz naturel. Elle produit en moyenne, ces dernières années, autour de 150 millions (Tep), dont quelque 100 millions exportés. La capacité de production nationale est appelée à croître à moyen terme, et avec elle le potentiel d'exportation. Cette perspective est confortée par plusieurs facteurs. On assiste d'ailleurs à l'inflexion de la courbe de la consommation des carburants qui témoigne d'un début de maîtrise de la demande nationale, comme illustré par l'évolution des deux dernières années, marquée par des baisses successives de la consommation de carburants. Aux réserves prouvées récupérables citées-ci-dessous, s'ajoute le potentiel appréciable de ressources d'hydrocarbures (probables et possibles) restant à découvrir, au vu du vaste bassin sédimentaire du pays, relativement peu exploré. Au-delà de ce potentiel, viennent s'ajouter, en termes de réserves conventionnelles d'hydrocarbures, celles résultant de l'accroissement du taux de récupération de gisements en exploitation. Elles représentent une ressource importante à mobiliser pour améliorer le profil de production et les réserves nationales. À ce propos, le gouvernement s'attelle à promouvoir l'investissement pour l'élargissement de la base de ses réserves et développer sa production d'hydrocarbures, notamment par I'amélioration du cadre juridique et fiscal, afin de le rendre plus attractif, à travers la refonte de la loi sur les hydrocarbures engagée au niveau du ministère de l'Energie. Aussi, au vu de ces ressources conventionnelles d'hydrocarbures, un scénario moyen de production permettait à I'Algérie de couvrir largement ses besoins énergétiques, et même de rester un exportateur significatif à I'horizon 2030, voire au-delà. Cette perspective ne signifie pas que l'Algérie peut continuer à vivre d'une économie de rente avec le modèle énergétique actuel basé sur les hydrocarbures, mais bien au contraire, le pays se doit d'entamer et de déployer sa propre "transition énergétique", dans la sérénité, sachant qu'il a les moyens d'atteindre ses objectifs en la matière. Au-delà de ce potentiel en ressources conventionnelles, permettez-moi d'aborder la question — importante — des ressources non conventionnelles d'hydrocarbures, notamment gazeux. Ce que nous savons aujourd'hui, c'est que le potentiel de ces ressources est important, de plus grande ampleur que le conventionnel et même parmi les plus importants au niveau mondial pour le gaz naturel. Cependant, je voudrais souligner ici, que l'Algérie n'est pas contrainte à se précipiter pour lancer le developpement et l'exploitation de ces ressources. Il nous semble qu'il est plus indiqué de s'atteler à mieux connaître les caractéristiques de ce potentiel en vue d'assurer à moyen et long terme l'indépendance énergétique du pays. En effet, un énorme travail nous attend, pour passer de ce potentiel de ressources, en réserves, prouvées récupérables techniquement et économiquement exploitables. Au-delà, le défit est énorme, car même en partenariat, l'exploitation future de telles réserves requiert de notre pays un effort gigantesque en matière de formation et de développement des capacités techniques, technologiques et industrielles. C'est à ce prix que nous pourrons mettre à la disposition de l'économie nationale cette énergie pour soutenir sa croissance et son développement. Encore faut-il que l'environnement international qui prévaudra alors, permettra I'exploitation de ces ressources à un coût compétitif. Aussi, dans notre conception, les ressources non conventionnelles d'hydrocarbures permettraient la couverture des besoins énergétiques du pays à très long terme. Elles ne sont, en aucun cas, une source de rente pétrolière, idée que nous devons écarter dès à présent, pour éviter toute désillusion à I'avenir. Mesdames et Messieurs, Au-delà des hydrocarbures, il nous revient de mobiliser toutes nos ressources, notamment les énergies renouvelables (EnR) grâce au très vaste potentiel dont jouit le pays à travers le solaire, mais aussi l'éolien, la biomasse, etc. Cette mobilisation des ressources renouvelables, en vue de réussir la "transition énergétique", est nécessaire pour deux principales raisons, soit : - consolider sur le long terme, la couverture des besoins énergétiques du pays ; - en faire un facteur de développement industriel et de diversification économique. Ces deux objectifs contribuent au développement durable du pays et confortent son indépendance énergétique et sa souveraineté nationale. Bien que ces ressources d'énergie renouvelable aient été mobilisées depuis plusieurs décennies à une échelle réduite à travers l'alimentation de petits sites isolés du sud du pays en électricité photovoltaïque, c'est depuis le début de la décennie en cours que le pays s'est doté d'un programme visant au déploiement des EnR à grande échelle. En effet, le programme du gouvernement adopté en 2011 et mis à jour en 2015, en Conseil des ministres prévoit le développement d'une capacité de 22 000 MW d'électricité d'origine renouvelable, notamment solaire, à long terme. Une des retombées énergétiques majeures de ce programme est l'économie de quelque 300 milliards de m3 du gaz, soit un volume additionnel à nos réserves. ll est l'équivalent de 7 à 8 années de consommation nationale actuelle de gaz. Comme vous le savez, au programme des énergies renouvelables est adossé celui de l'efficacité énergétique à travers diverses actions et projets au niveau de plusieurs secteurs économiques (ménages, services, industrie, transport). L'Etat a mis en place des moyens et pris des mesures pour faciliter la mise en œuvre de ces programmes, comme le Fonds dédié (Fonds des EnR et de maîtrise de l'énergie), alimenté notamment par un prélèvement à partir de la fiscalité pétrolière. La conception de l'alimentation de ce fonds illustre bien notre approche et engagement pour un développement durable : prélever des recettes à partir des revenus tirés de l'exploitation de ressources fossiles (épuisables) pour promouvoir les énergies renouvelables qui préservent l'environnement. Ces programmes ont connu une phase initiale de concrétisation nécessairement lente, avec la mise en place des cadres juridiques et institutionnels et la réalisation de plusieurs centrales photovoltaïques, totalisant une capacité de près de 400 MW. Après cette phase initiale, I'Algérie s'apprête à un déploiement à grande échelle de l'électricité renouvelable. C'est cette phase cruciale, de déploiement à grande échelle, qui est le point central de notre rencontre d'aujourd'hui, car elle constitue une opportunité historique pour le développement industriel national et la diversification de l'économie du pays. En effet, au-delà de retombées énergétiques proprement dites, c'est cette opportunité pour I'industrie nationale qu'il nous appartient de saisir et d'exploiter pleinement. Nous convenons que le défi est énorme au vu de la compétition internationale en la matière, notamment de la part des pays ayant réalisé des avancées réelles sur la chaîne de valeur des industries des énergies renouvelables. Cependant, l'Algérie dispose de réels atouts dans ce domaine. En premier lieu, la disponibilité des ressources énergétiques (ex : solaire), mais aussi le marché pour cette industrie appelée à croître de manière soutenue sur le long terme, une approche régionale viendra conforter ces avantages. Ce sont là quelques fondamentaux à partir desquels l'Etat, le secteur public et l'industrie privée se doivent d'agir pour assurer le développement de cette industrie. Nous devons aussi, dès à présent, mettre en place un cadre attractif pour attirer les technologues et les investisseurs autour de partenariats gagnant-gagnant. Enfin, une vision régionale, voire internationale, intégrant le volet exportation, notamment à travers l'association avec des partenaires qualifiés pour cela, viendront consolider la viabilité économique de cette ambitieuse perspective. Bien entendu, l'Algérie ne vise pas à produire tous les composants de cette industrie des EnR et de I'efficacité énergétique. ll revient aux hommes d'affaires et spécialistes, de définir les créneaux porteurs pour lancer cette industrie et veiller à sa croissance soutenue. L'expérience de pays ayant réussi dans cette voie, en trouvant l'approche et le chemin appropriés pour s'intégrer de manière compétitive dans la chaîne de valeur de cette industrie des EnR est intéressante à examiner, pour s'en inspirer. Je peux vous assurer également que les institutions de I'Etat impliquées dans cette vaste entreprise, veilleront à apporter leurs contributions pour sa réussite ; c'est notre devoir. Nous l'avons clairement énoncé lors de l'adoption de ce programme. Nous l'avons rappelé plus récemment, lors de l'approbation du plan d'actions du gouvernement où une place de choix est accordée au développement des énergies renouvelables. Mesdames et Messieurs, Couvrir les besoins énergétiques à long terme du pays et promouvoir l'industrie nationale sont des objectifs majeurs vitaux pour la nation, mais pas les seuls. Comme signalé précédemment, cette perspective s'inscrit dans une vision de développement durable, qui signifie entre autres, la préservation de I'environnement, y compris la lutte contre le réchauffement climatique. Aussi, le programme national de développement des EnR et de l'efficacité énergétique, renvoie aussi à la dimension préservation de l'environnement. Dans ce sens, il est prévu une série de mesures et d'actions afin de réduire la pollution locale, y compris l'élimination à terme de l'essence plombée, la promotion de carburants (propres) comme le GPL/C et la réduction des émissions polluantes par les carburants et combustibles qui affectent I'environnement et la santé des citoyens, notamment dans les villes. Nous avons d'ailleurs annoncé notre volonté de convertir au GPL plus de 500 000 véhicules à l'horizon 2021/2022. Concernant le changement climatique, permettez-moi de rappeler que notre pays est en grande partie un climat aride, avec un stress hydrique et sujet à des phénomènes naturels aux effets dommageables (sécheresse, feu de forêt...). La hausse de la température globale viendra accentuer ces phénomènes et accroître la vulnérabilité du pays. C'est pourquoi, à son échelle, et malgré un faible niveau d'émission de gaz à effet de serre (GES), l'Algérie s'est engagée à la conférence des parties (COP-21) de Paris d'apporter sa contribution par la réduction de ses émissions anthropogéniques de GES. Notre programme des énergies renouvelables et de l'efficacité constitue le vecteur principal pour I'atteinte de nos objectifs en la matière. D'autres mesures s'inscrivent dans cet objectif, comme la réduction des gaz torchés à travers l'institution de la taxe sur le torchage qui vient d'être augmentée en 2016, pour accroître son efficacité. Mesdames et Messieurs, Votre séminaire porte sur la transition énergétique. J'ai voulu souligner que ce concept revêt diverses significations et implications selon la situation énergétique et économique de chaque pays. Pour I'Algérie, pays aux ressources d'hydrocarbures importantes jouant un rôle majeur dans son économie pour I'horizon concerné, il ne saurait être question d'un simple passage d'un système énergétique basé sur les hydrocarbures à un autre basé sur les renouvelables. Pour nous, ces deux formes d'énergie vont graduellement se compléter pour contribuer, chacune avec ses spécificités, au développement industriel et économique du pays, qui reste le principal défi pour l'avenir prévisible, à travers une croissance durable créatrice d'emplois et de richesses. Ainsi, il y a une complémentarité entre les hydrocarbures et les énergies renouvelables, illustrée aujourd'hui par les centrales hybrides. Nous veillons à ce que l'industrie nationale dans sa diversité (publique, privée, en partenariat) relève ce défi, dans le cadre de la préservation de l'environnement, y compris au niveau global de risque de changement climatique. Dans ce sens, nous pourrons assurer une équité intergénérationnelle et léguer à nos enfants et petits-enfants une Algérie qui leur permettra de se réaliser. Notre devoir est de laisser un pays plus fort à la génération à venir. C'est ainsi que la nation aura consolidé dans la durée, son indépendance et sa souveraineté pour lesquelles nos aînés se sont sacrifiés. Je souhaite plein succès à vos travaux et vous remercie de votre attention.