"Les Européens ne veulent plus de contrats à long terme, ils veulent un marché libre : acheter du gaz quand ils sont en situation de difficulté par rapport à l'approvisionnement de la Russie." La multinationale américaine ExxonMobil, première compagnie pétrolière mondiale, envisage de s'implanter en Algérie et de développer des projets d'investissement en commun avec Sonatrach. Le groupe Anadarko, présent en Algérie depuis plusieurs années, souhaite, lui, relever ses investissements dans le pays. Anadarko est en quête de nouvelles opportunités. De bonnes nouvelles arrivent ainsi dans un secteur pétrolier en crise. Et, c'est le P-DG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, qui les a communiquées hier. Sonatrach et ExxonMobil vont se retrouver, fin mars prochain, pour approfondir les discussions autour de ce projet d'implantation. Les belles annonces ne feront cependant pas oublier le fait que Sonatrach a aujourd'hui de sérieux problèmes de nature commerciale avec certains de ses clients européens. En effet, des pays européens ne veulent plus du gaz algérien dans le cadre des contrats à long terme. De fait, ils mettent Sonatrach sous forte pression pour qu'elle fasse des concessions et abandonne ces contrats. La posture européenne, Ould Kaddour la déplore dans des termes plus forts, soulignant qu'ils (les Européens) ont commencé à parler de la nécessité de sécuriser l'arrivée du gaz algérien en Europe depuis le conflit gazier russo-ukrainien qui a remis sur le devant de la scène énergétique la dépendance gazière du Vieux continent face à la Russie. Or, dit-il, pour l'Algérie, ils mettent des conditions "inacceptables". Il faut qu'ils sachent ce qu'ils veulent exactement, a ajouté Ould Kaddour dont la compagnie qu'il dirige est appelé à renégocier avec ses clients européens des contrats de livraison arrivant à terme. Pour lui, les Européens ne veulent plus de contrats à long terme, ils veulent un marché libre : acheter du gaz quand ils sont en situation de difficulté par rapport à l'approvisionnement de la Russie. Mais quand la situation est plus favorable ils ne veulent plus de notre gaz. Que faire ? Sonatrach, en difficulté financière, en raison de la détérioration du marché pétrolier, ne peut pas se permettre de perdre des parts de marché sur le marché gazier européen. Elle n'a pas intérêt à ce que cela se produise. Aussi, tente-t-elle de desserrer les contraintes pesant sur sa stratégie de renégociation de ces contrats, en mettant en avant le fait qu'elle reste un acteur clé en matière de fiabilité et de sécurité de l'approvisionnement en gaz, deux éléments essentielles pour le développement durable de l'industrie du gaz. La compagnie nationale des hydrocarbures sait cependant que, dans un contexte régional changeant, avec des pays gaziers comme le Qatar et la Russie qui vendent leur gaz au rabais, sa marge de manœuvre est étroite. Après des années d'errance, elle n'a pas su s'y préparer, se retrouvant dans une position de faiblesse. En face, des pays de l'Union européenne font de l'attention portée à l'énergie l'une de leurs priorités. Ils sont en position de force ; ils désirent toutefois garder la porte des renégociations avec Sonatrach ouverte, en espérant que des discussions, sortira une position de juste milieu plus réaliste. Les Européens estiment souvent que l'Algérie est un fournisseur majeur et fiable de l'Europe et le demeurera à moyen et long terme, alors que l'Europe est le principal importateur de gaz algérien et le restera dans les prochaines années. Youcef Salami