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Subventions ciblées: la distribution des chèques aux plus nécessiteux est –elle réalisable sans tenir compte de la sphère informelle et d'un système d'information fiable au temps réel?
Contribution pour la Rédaction Digitale de "Liberté" (#RDL)
Publié dans Liberté le 12 - 02 - 2018

Le ministre du commerce vient d'annoncer officiellement en ce mois de février 2018, qu'il prévoit la distribution de chèques pour les plus nécessiteux rentrant dans le cadre des subventions ciblées. Le problème posé qui a des incidences hautement politiques et sécuritaires et pas seulement économiques, cette opération est -elle possible sans véritable stratégie et sans un système d'information fiable au temps réel , objet de cette présente contribution.
1.- Concassant parfaitement ce dossier , il y a lieu éviter des annonces dans la précipitation, comme je viens de le démontrer clairement dans une interview à la radio publique Radio Algérie Internationale 03/02/2017 et dans plusieurs contributions nationales et internationales. Face aux tensions budgétaires, attention, cela pose un problème de sécurité nationale n'étant pas une opération technique. C'est une opération complexe qui a des incidences économiques sociales et politiques, non maîtrisée et faute d'intermédiations politiques et sociales , sera source de vives tensions sociales incontrôlables, laissant les fores de sécurité confrontés aux citoyens. Cette opération ne peut être réalisée essentiellement pour deux raisons, du moins à court terme. Premièrement, cette opération est techniquement impossible sans un système ‘information fiable en temps réel, mettant en relief la répartition du revenu national par couches sociales et par répartition régionale : combien perçoivent moins de 20.000 dinars par mois net , combien entre 20.000/50.000, combien entre 50.000/100.000, combien entre 100.000 et 200.000 et plus. Deuxièmement, cette opération est également impossible sans quantifier la sphère informelle qui permet des consolidations de revenus., existant des données différentes soit que l'on se réfère au produit intérieur brut (entre 40/50% selon l'ONS) , par rapport à l'emploi ( plus de 33% de la population active selon le ministère du travail) ou à la masse monétaire en circulation , environ 40 % , devant différencier la part normale que détiennent les ménages à usages personnels , du montant stocké à des fins spéculatifs ( voir Pr A.Mebtoul- géostratégie et sphère informelle au Maghreb -Institut français des relations internationales IFRI- décembre 2013 Paris France). Pour le quotidien algérien « El Bilad en date 10 février 2018, information à prendre avec des précautions en attendant la déclaration officielle de la banque d'Algérie, citant un rapport relatif au développement économique et monétaire de la banque d'Algérie, seule référence autorisée en matière monétaire, il y aurait actuellement 44,97 milliards de dollars de capital argent dans le circuit informel, l'actuel premier ministre ayant annoncé seulement 17 milliards de dollars et l'ex premier ministre lors de la Tripartie de Annaba 37 milliards de dollars et que l'épargne des algériens dans les banques avoisine les 37 milliards de dollars , une masse monétaire qui peut être retirée à tous moment pour être injectée dans le circuit informel. Si cette infraction s ‘avère vrai, les propositions du Ministre du commerce seraient une méconnaissance totale du fonctionnement de l'économie algérienne. Nous assistons donc à une véritable cacophonie , d'autant plus que les déclarations tant du premier Ministre, des Ministres de l'Industrie et des Finances , il y a à peine deux mois, affirmaient que l'Algérie souffre cruellement d'un système d'information non performant et qu'actuellement il est difficile, voire impossible, d'évaluer correctement la sphère informelle.
2.-Alors comment distinguer les riches des pauvres, lorsqu'on sait que pour seulement les couffins de Ramadhan de 2017, selon la ministre de la solidarité, la valeur des colis de denrées alimentaires distribués aux nécessiteux durant le mois de Ramadhan rentrant dans le cadre l'opération de solidarité nationale , à hauteur de « 780 millions de dinars, ce montant représentant 7 % de la somme globale consacrée à l'opération avec souvent des délits d'initiés. Il en est de même pour l'emprunt obligatoire chargé de capter l'argent de la sphère informelle. Rappelons que les obligations matérialisant l'emprunt ont été émises sous deux formes de maturité de 3 ans et 5 ans, et en coupures de 50 000 DA chacune. Sous forme nominative ou au porteur, au choix du souscripteur. D'autres obligations de 10 000 et 1 million de Da ont été également proposées. Au terme des six mois, qu'a pris l'opération financière publique, l'ex premier ministre Abdelmalek Sellal, a donné le bilan en juillet 2016 exactement 461,72 milliards DA , dont une fraction étant le fait d'opérateurs qui ont réalisé un vase communicant transférant leur capital argent d'une banque au trésor pour bénéficier d'un taux d'intérêt plus élevé (entre 5 et 5,75%, une rente supporté par les générations futures). Loin de capter les fonds informels qui circulent hors circuit bancaire le résultat a été très mitigé pour ne pas dire échec, ce qui a contraint le gouvernement à recourir au financement non conventionnel en 2018. Quelle sera l'institution chargé de distribuer la traçabilité de ces chèques et surtout d'établir une balance qui doit être positive, sin on cette opération n'aurait aucun sens, entre le montant des chèques délivrés et les économies occasionnés par cette opération tant en dinars qu'en devises ? Et ne risque t- on pas d'assister à un nivellement par le bas au détriment des couches moyennes non concernés par ces chèques , ce qui influera négativement sur la productivité globale?
3.- Il s'agit maintenant d'aller vers des actes au lieu de discours non muris afin d'éviter un échec de cette opération sensible, ce qui discréditerait toute l'action de l'Etat. Au préalable s'impose une véritable stratégie collant tant aux mutations internes qu'externes dans le cadre des valeurs internationales, passant par de profondes réformes institutionnelles et micro-économiques (rendant urgent un grand ministère de l'économie regroupant commerce-finances pour une cohérence de cette opération) , conciliant le cadre macro-économique et macro-social dans un cadre décentralisé ( couple une efficacité économique et justice sociale , pas égalitarisme). Il ya lieu d'éviter les discours de sinistrose, dressant indirectement un bilan négatif de la période tant depuis l'indépendance politique que de la période 2000/2017, ce qui donne une image négative tant au niveau national qu'international faisant fuir les investisseurs potentiels qui ont besoin de confiance. Tout ce qui a été réalisé entre 2000/2017 n'est pas totalement négatif après une destruction massive des infrastructures et le gel de l'économie pendant une décennie de 1990/1999 : des réalisations et des insuffisances qu'il s ‘agit de corriger. Il faut éviter des solutions à des problèmes mal posés comme cela est le cas de ces subventions ciblées. Les politiques doivent éviter, sous la pression des évènements. Les économistes et les politiques doivent reconnaitre leurs limites ayant besoin de connaitre les mouvements historiques, anthropologique et sociologique des forces sociales, donc de connaitre la société avant d'élaborer une politique économique qui n'a aucun sens sans cette analyse. Une société n'est jamais inerte, étant toujours en mouvement portée par des forces sociales, économiques et politiques. Le lieu du dialogue naturel est le conseil économique et social consacré par la nouvelle Constitution qui devrait regrouper les meilleures compétences et toutes les composantes de la société représentatives malheureusement gelé depuis des années où serait discuté et élaboré une politique réaliste des subventions ciblées.
En résumé, l'objectif stratégique 2018/2025/2030 sera de dépasser le statut quo actuel pour éviter l'épuisement progressif des réserves de change, étant passées de 195 milliards de dollars en janvier 2015 à 95/96 milliards de dollars fin 2017, donnant un répit de trois ans. L'Algérie contrairement aux discours pessimistes démobilisateurs, connaissant certes une situation difficile, ne traverse pas une crise financière mais une « crise de gouvernance. L'Algérie, facteur de stabilisation de toute la région méditerranéenne et africaine est un grand pays et a toutes les potentialités de relever les nombreux défis (voir notre interview aux importants quotidiens internationaux courant 2017 La Tribune.fr (France ) et à l'American Herald (USA) . Il s'agit de lutter contre les surcoûts et le gaspillage et parallèlement mettre fin au cancer de l'économie de la rente qui se diffuse dans la société source d'inefficacité économique et d'injustice sociale. La situation peut être maîtrisable, sous réserve d'une plus grande rigueur budgétaire et d'une lutte contre les surcoûts, le gaspillage et la corruption renvoyant au mode de gouvernance.
Dr Abderrahmane MEBTOUL
Professeur des universités, expert international


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